J’écris ce texte à la bougie une nuit. Non par nostalgie, mais parce qu’elle mesure mieux que l’horloge l’immensité de nos vies. Sa flamme vacillante éclaire nos richesses, nos pauvretés, nos vertiges. Elle ne compte pas les heures, elle les consume. Balzac, Hugo, Baudelaire, tous ces auteurs écrivaient à la bougie. La pâle lumière donne peut être de la profondeur aux textes, comme une transe inconnue de beaucoup.
Le temps, la conscience, la vie elle-même : tout cela reste flou. Nous vivons trop peu de temps pour comprendre ce qui est sidéral, et nous progressons à pas feutrés dans ce qui nous dépasse. L’univers nous déborde. La complexité nous submerge. Nous savons fabriquer un ordinateur, mais pas une grenouille. Nous avons des algorithmes pour tout, sauf pour le vivant.
Chaque réponse que nous trouvons soulève mille questions. Nous affrontons l’infini avec des outils dérisoires, des mots d’enfant, des pensées journalières. Nous ne sommes que des roseaux pensants, disait Pascal, et encore, souvent sans vent. Si chaque jour est une vie, alors nous n’aurons vécu qu’une seule journée. C’est ça aussi le drame.
Le temps s’efface à mesure que nous avançons, comme le chiffon efface le tableau noir. Il ne reste que des traces, des poussières de pensée. Et c’est là, dans cette pensée journalière, que nous pouvons trouver un repère. Une forme de résistance douce. Une manière de dire : je suis là, je pense encore.
La vie n’est qu’une fuite du temps, disait déjà le génial Sénèque. Mais écrire à la bougie, c’est ralentir la fuite. C’est éclairer l’infini avec une flamme fragile. C’est penser, malgré tout.