Nous avons mis des millénaires à apprendre à voler dans les airs, à naviguer sous les mers, à guérir des fléaux comme la peste, la lèpre ou la tuberculose. Et pourtant, face à la pauvreté, nous ne sommes guère mieux armés que les Romains, voire que l’homme du Pléistocène.
Certains veulent encore nous faire croire que la douleur est rédemptrice, que la pauvreté est un choix, que la haine est une manière de vivre. Des avancées fondamentales sont remises en question : le droit à l’IVG, le droit de mourir sans souffrance, le droit de vivre dans un environnement choisi, de pratiquer un métier utile à tous. Il existe des cloisons plus difficiles à abattre que des murs.
Un jour, un Sénégalais m’a dit avec douceur, sans reproche :
— Ce que tu as dépensé en deux semaines ici, je ne le gagne pas en un an. Le prix de ton paquet de cigarettes fait vivre ma famille pendant deux jours.
Il s’appelait Ignace. Veilleur de nuit dans un hôtel en Casamance, cette région splendide dans le bas du Sénégal. Il est vite devenu un ami.
Nos grands-parents ont arraché, au mépris de leur confort, la retraite, les congés payés, le droit aux soins. Et tout cela est à nouveau menacé. On nous parle de responsabilité, d’économie, de sauver la France, de wokisme, de pieuvre islamique, autant de diversions pour revenir sur les quelques acquis glanés ici et là, à la lueur de feux antiques.
Certains passent leur vie dans les avions, entre deux cours de bourse et quelques rails de cocaïne. D’autres, entre deux repas servis sous cloche d’argent par des domestiques en livrée, veulent nous faire croire que la violence vient des jeunes de banlieue, des étrangers, des salariés qui manifestent dans la rue quand l’exploitation devient insupportable.
Ce sont ces mêmes gens qui nous disent que les médecins sont un luxe, que des classes de trente élèves sont normales, que les femmes sont faites pour enfanter, s’occuper d’un homme et rester à la maison.
Le ridicule s’oppose à la raison. C’est le barbare illettré qui prétend enseigner à des lettrés les Provinciales de Blaise Pascal. Le bon sens semble avoir perdu pied face au mépris affiché de ceux qui veulent nous faire croire qu’il est facile de transformer le plomb en or.Les enfants doivent tout réapprendre à chaque génération, il suffit de truquer les cartes. Je lisais dans Causeur en passant mais très vite fait, dans ce journal torchon d’extrême droite, qu’il faut aimer les riches. Les riches seraient notre richesse, grâce au travail qu’ils nous offrent si généreusement. Ils seraient nos lumières, et même notre bonheur à venir.
Aime ton bourreau : il te libérera des affres de la vie…
L’aliénation s’installe à tous les étages, de la naissance à la mort. Moins de soins, plus de pieds nus, retour du travail pénible pour les enfants en bas âge. Cela s’appelle le progrès.