La journée fut pluvieuse et froide. Je suis allé aux champignons dans les bois tout proches. La cueillette est maigrelette : chacun se bat pour cette manne. Heureusement, j’ai de l’avance. En période d’abondance, je n’oublie jamais d’en faire sécher. J’ai construit un séchoir dans le jardin, j’y mets mon tabac, mes champignons, mes plantes vertes. Ensuite, je stocke à l’abri de la lumière, sous le toit. Maintenant que j’ai toute la vie devant moi, je profite enfin de ce qui m’entoure : bois, étang, bord de mer, chemins creux. Rien que du banal, et pourtant c’est extraordinaire.
C’est le retour aux grandes vacances. Plus besoin d’aller gagner le pain de misère qui fait la fortune de quelques privilégiés.J’ai pensé au pauvre Sarkozy, condamné à payer 7,50 euros par mois pour le frigo et 14,50 pour la télé. L’État siphonne les malheureux. Toujours est-il que la pénitentiaire ne semble pas décidée à lui faire de cadeaux. Il réclamait l’égalité : il va être servi, le grand indigné.
Ce soir, je mange une omelette avec les deux maigres champignons débusqués sous une fougère. Vu le nombre de prédateurs, ils se planquent désormais. J’ai aussi trouvé la recette d’une tisane qui fait merveille. J’en ai pris trois jours, juste pour voir.Thym frais, menthe, romarin, miel et citron. À mon avis, ça doit tout flinguer, y compris les cancers. Il paraît que l’armoise aussi a de grandes vertus. Je vais en planter. Demain, je retourne dans les bois. Pas pour les champignons cette fois, juste pour marcher. Il paraît que ça soigne tout, la marche.
Le cœur, le cerveau, les humeurs. J’ai lu quelque part que les arbres émettent des molécules qui apaisent les humains. Les arbres sont des pacifistes. Ils ne tweetent pas, ils ne spéculent pas, ils ne vendent pas de promesses. Ils tiennent debout, c’est tout.Je croise parfois des gens dans les chemins creux. Des retraités, des chiens, des enfants en promenade. On se salue comme des résistants. Pas besoin de mots, juste un regard qui dit : On est encore là. C’est déjà beaucoup.
J’ai aussi repensé à mon séchoir. Il ressemble à une petite cathédrale végétale. Ça sent le tabac blond, le romarin, le thym. Une odeur de liberté. Je me demande si Sarkozy a droit à des plantes aromatiques dans sa cellule. Peut-être qu’il pourrait faire sécher de l’armoise. Ça aide à digérer les injustices.
Ce soir, je bois ma tisane en regardant le ciel. Il est gris, mais vaste. Comme une promesse sans marketing. Je me dis que la vie, c’est ça : un peu de silence, un peu de goût, et beaucoup de recul.
ps : mon frère fait 3900 j'aime avec ce type de texte sur son réseau comme quoi, il en faut peu pour être heureux. Cela me permet de mesurer aussi des audiences. Les textes courts rencontrent un vif succès, et il est possible d'y glisser des critiques sociales et politiques sans en avoir l'air. Grande spécialité des presses de droite.