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Mustapha Ait larbi

Intellectuel dubitatif. Guitariste a l'occasion. Né Algérien par hasard ce, comme les Français. Par hasard !

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Billet de blog 29 septembre 2025

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Un après-midi ordinaire

Comme une sentinelle posée bien en avant sur la gréve. Lecture facultative.

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Illustration 1

Je suis rentré. Il a fait beau, et comme tous les dimanches, je suis allé en brocante. On n’y trouve plus grand-chose d’ancien. C’est une avalanche de fringues, de jouets en plastique, de vaisselle ébréchée, et de trucs chinois qui décorent les maisons comme on maquille un cadavre. C’était aussi la fête de l’oignon, comme si les gens allaient acheter des sacs de 25 kilos, comme du temps où l’on tuait le cochon. Lorsque la tradition est morte, ce qu’il en reste c’est du folklore.J’ai bu un café dans un gobelet en carton. Tout est jetable maintenant, même les dimanches.

Finalement, j’ai acheté un truc qui ne sert à rien, un euro. Je n’aime pas rentrer bredouille. C’est une boîte en alu des années trente, elle contenait de l’aspirine. À l’époque, on faisait du solide, du séculaire. Aujourd’hui, on fabrique pour l’oubli. À force de ne rien acheter, je vais finir par devenir riche. Mais je n’ai besoin de rien. Une cigarette, un café, et je suis heureux. Le bonheur, c’est la santé, les bois, la pêche, le braconnage, et les samedis au bord de la mer.

Je suis rentré, la boîte dans la poche, le soleil dans le dos. Dans l’appartement, il faisait tiède, comme si la journée s’était installée là, en silence. Je l’ai posée sur la table, à côté du cendrier. Elle brillait un peu, malgré les années. J’ai pensé à ceux qui l’avaient ouverte avant moi, pour calmer une douleur, une fièvre, une gueule de bois peut-être. Maintenant elle ne servait plus à rien, comme beaucoup de choses. Mais elle était là, solide, inutile, et c’était déjà beaucoup.

J’ai allumé une cigarette. Le goût était le même que d’habitude. Le café aussi. Il n’y avait rien à attendre, rien à espérer. Et pourtant, je me sentais bien. Le ciel était clair, les arbres ne demandaient rien, et le monde tournait sans moi. C’est peut-être ça, le bonheur : ne pas peser sur les choses, ne pas chercher à les retenir. Être là, simplement, comme une boîte vide sur une table.

Au retour, je me suis assis sur un banc, au bord d’un chemin que personne ne prend. Il était bancal, un peu rongé par la rouille, mais il tenait encore debout. Comme moi. Le soleil passait à travers les feuilles, dessinait des ombres sur mes genoux. J’ai regardé les fourmis longer le pied du banc, organisées, affairées, comme si elles savaient où elles allaient. Moi, je n’allais nulle part. Et c’était bien ainsi.

Un vieux est passé, il m’a salué sans s’arrêter. Il portait un sac plastique avec des pommes dedans. Il avait l’air heureux, ou du moins tranquille. J’ai pensé que la tranquillité, c’est peut-être le luxe ultime. Ne pas courir, ne pas prouver, ne pas convaincre. Être là, juste là, avec le vent qui bouge les feuilles et le banc qui grince un peu. Je n’ai rien fait pendant une heure. Et c’est peut-être ce que j’ai fait de mieux aujourd’hui.

Au retour, je me suis arrêté chez Christiane qui savait que j’étais dans le coin. Elle s’ennuie dur depuis la mort de Guy qui est allé rejoindre Brassens il y à un an. Elle n’à pas de permis de conduire et vit dans un hameau. C’est ravitaillé par un camion. Elle qui était si vive, parfois même trop ,est devenu l’ombre d’elle même. Je suis resté un peu. Elle m’à donné deux pots de confitures d’abricots, moi qui n'en mange jamais…

Photo: le Pélican de Myconos.

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