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Billet de blog 3 mars 2010

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L'administration du TPIR 2 - entrer dans le saint des saints

C’était mon premier contrat. D’emblée, avant même de pouvoir entrer dans les locaux, je me vis confronté à une ESB (Expression Subite de Bureaucratie)…

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C’était mon premier contrat. D’emblée, avant même de pouvoir entrer dans les locaux, je me vis confronté à une ESB (Expression Subite de Bureaucratie)…

J’étais parvenu, joyeux et impressionné, au check-point permettant de pénétrer l’enceinte du Tribunal. Comme à l’aéroport la veille, j’attendais vaguement que quelqu’un m’accueille avec une petite pancarte à mon nom (en fait, à l’aéroport, après trois tours de parking, moi et mes cinquante kilos de bagages – j’ai pesé – nous sommes tombés par hasard – déjà lui – sur un type sympa qui nous a emmenés vers un minibus banalisé dans lequel deux soldats et un civil faisaient la sieste… c’était le chauffeur et l’escorte du TPIR).

J’approchai les cerbères, leur expliquai que je commençais à travailler ce jour, contrat à l’appui, et que je leur saurais gré de me laisser passer le portique, afin qu’il me soit loisible de rejoindre mon service, dont par ailleurs je leur serais reconnaissant de m’indiquer l’emplacement. L’homme, plutôt sympathique au demeurant, me signifia qu’hélas, il en était fort marri mais ne pouvait me laisser entrer céans, puisque je n’étais pas muni du badge magnétique permettant de passer le portique. Je sentais l’inquiétude poindre.

« Brave homme, introduis-je finement, comment donc puis-je me procurer le précieux sésame ? »

Ce que je craignais confusément se produisit, et je sentis l’univers vaciller (j’étais encore novice en Bureaucratie). « Au bureau de la Sécurité, sur la mezzanine KM. Juste là », et il pointait, derrière lui, un long couloir dont on entrevoyait au loin l’extrémité. Je retins partiellement un rire nerveux. Etrangement, ce quidam ne semblait pas sensible à l’absurdité de la situation.

Suivirent des négociations qui n’aboutirent pas. Mon cas semblait insoluble, unique dans les annales du Tribunal, non prévu par l’Administration. Mais comment faisaient-ils, les autres, qui passaient devant moi grâce à leur badge, étaient-ils nés in vitro dans les entrailles de la bête?

Finalement, j’appris qu’existait une procédure alternative, destinée aux touristes qui venaient assister à une audience publique. Une heure plus tard, j’obtenais un pass restreint me permettant exclusivement de me rendre dans les salles publiques des Chambres où se déroulent les procès. Je devais passer trois sas pour rejoindre mon service. J’entrai en grommelant une vague excuse derrière des employés pressés qui ne me portèrent aucune attention. Je compris plus tard que c’était une procédure courante dans cet endroit hautement sécurisé.

Et j’atteins le Bureau de la Chef. Suant et fiévreux. Une larme à l’œil. Je frappai à une porte qu’un passant pressé m’avait indiquée. Une femme fraîche et dispose me contempla. Je bafouillais une présentation. « Ah, et bien, vous vous êtes perdu en route ? » Un petit sourire venait cependant adoucir la réprimande.

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