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Billet de blog 8 avril 2010

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C’est pas facile la vie à Arusha. L’enfer africain.

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C’est pas facile la vie à Arusha. L’enfer africain.

Il fait tout le temps beau, parfois un peu excessivement chaud (37°), parfois frisquet (17 °C).


Lorsqu’il pleut, cela permet de remplir les barrages qui alimentent la ville en électricité. Les rivières se transforment en torrents provisoires. L’air se rafraîchit délicieusement. Les manguiers, bananiers, bref les multiples arbres fruitiers, les potagers, présentent leur troisième ou quatrième floraison annuelle. Car le cycle de la nature est ici perpétuel, et chaque saison est une saison de récolte. Les feuilles ne meurent jamais, ou alors discrètement, une à une, au fil du temps.

C’est pas facile, la vie, ici. Houlala. Qu’est-ce qu’on en chie.

Le soir, en rentrant du boulot, on croise le vendeur de journaux qui, avec les salutations d’usage, propose comme tous les soirs Le Monde, même s’il sait qu’on ne l’achètera pas.

Un peu plus loin, à l’ombre des arbres qui bordent les parcelles cultivées, on prend un maïs à la vendeuse qui les fait rôtir dans un petit brasero : sûr qu’il est frais, le carré est à côté, direct du producteur au consommateur. Quand c’est la jeune mignonne qui officie, il faut se frayer un passage au milieu des soupirants (‘scusez, moi, c’est juste pour le maïs), quand c’est la vieille édentée, l’accès est plus aisé.

Peu avant d’arriver à la « nyumba » (maison), on double le « fly catcher » du Jambo (le rabatteur d’un restau – devinez à qui fait référence le terme « mouche » ?), qui demande des nouvelles de la maison, la maison va bien, et toi, la famille ? ça baigne ! La soirée se passe bien ? Tranquille…

On tourne dans l’allée de la maison, on croise l’homme de ménage (Eladi) du proprio, qui salue : « Pole na kazi », ce qui signifie littéralement « Désolé pour le travail », une formule de compassion pour celui qui va ou revient du travail. Venant de lui, qui commence à bosser avant que je me lève et qui est encore en train de turbiner quand je me couche, cela a un certain sel. On se marre et on se souhaite une bonne soirée.

Quelle vie de chien, aïe aïe aïe.

Ma maison, elle a trois chambres, louées séparément. Devant, des bananiers, des grenadiers, un oranger, des fleurs. Une petite terrasse. Un vaste salon avec une tête de gnou impavide au-dessus de la cheminée (trophée du proprio, vétérinaire à la retraite et chasseur, qui n’en est pas peu fier), une télé pour voir les feuilletons burkinabés et québécois sur TV5 Monde, un bureau que j’ai réussi à arracher de haute lutte à Baba Mgeni (le proprio).

Une petite Kili (bière locale) au frigo, et je m’assois sur la terrasse. Il y a peu encore un train hululait à 20 mètres, derrière les arbres fruitiers, pour éloigner les piétons de la voie ferrée utilisée comme piste par les citadins. Eladi passe avec une pile d’assiettes. Sa mission dans la vie semble consister à laver la vaisselle. Toute cette vaisselle à laver, ça a quelque chose d’effrayant. Ou il s’agit d’une passion, et il relave en boucle toute la vaisselle de la maison, ou il a été collectivisé pour laver les assiettes de tout le quartier, ou toute la famille a le ver solitaire et passe les journées à bouffer. Enfin, il y a un truc.

Quoi qu’il en soit, Eladi passe, et il s’arrête. Il apprécie beaucoup que je lui parle en kiswahili : ça le fait marrer. Au début j’étais vexé, d’autant qu’il ne prenait même pas la peine de me répondre : il se marrait et repartait laver deux-trois bols. Maintenant, c’est mieux : il se marre toujours, mais il répond, me parle doucement et gentiment (comme à un trisomique léger). Enfin, il peut faire le malin, moi je sirote ma bière et lui retourne à son évier.

Et puis le soleil se couche gentiment. Je rentre.

Enfin, tout ça pour dire que la vie est dure ici. Ouais.

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