Depuis plusieurs contrats, je souhaitais faire profiter les autochtones du spectacle délicieux d’un Muzungu à bicyclette, fonçant audacieusement par creux et bosses sur le chemin du turbin, le mollet ferme et aguerri démontrant la supériorité du Blanc sur le Noir en terme de vélo. Déjà, ils ont une plus grosse bite, faut bien compenser. Et à ceux qui me diraient que c’est une remarque raciste, je répondrai du tac au tac : vous avez vu beaucoup de Noirs au Tour de France ? Eh bien, il est indiscutable qu’il y en a beaucoup plus dans les films de culs (je n’en regarde bien sûr jamais, c’est de notoriété publique).
Ce coup-ci, c’était décidé. Qui plus est, j’avais plus ou moins sympathisé avec un commerçant indien qui vend, heureuse coïncidence, des vélos. Son sourire accorte, du seuil de sa boutique en surplomb de la ruelle menant au marché, l’intérêt que j’ai exprimé pour sa marchandise, nous ont entraînés de fil en aiguille à nous demander mutuellement des nouvelles de nos familles respectives jusqu’à la 3e génération chaque fois que je vais me réapprovisionner en fruits et légumes (je dois avouer qu’il m’arrive de faire un détour quand je suis à la bourre).
Un collègue m’avait raconté que deux ans plus tôt, lorsqu’il était arrivé, lui aussi s’était proposé d’investir dans une petite reine. Le commerçant lui avait indiqué qu’il en recevrait sous peu une cargaison : le container attendait d’être déchargé à Dar es Salam, c’était une affaire de quelques jours au plus. Trois mois plus tard, le collègue avait mis un terme à ses visites de plus en plus espacées à la boutique, les déboires successifs de cette cargaison maudite, que ce marchand des mille et une nuit s’attachait pourtant à lui narrer avec talent, l’ayant lassé.
Coup de bol monstrueux, lorsque je me rendis à la boutique, il y en avait en stock: et même deux modèles différents, elle venait d’être livré (le container mythique ?).
En fait, c’était pénible ces deux modèles différents. J’arrive jamais à me décider. Je suis fait pour l’économie soviétique. Mon bonheur, c’est le supermarché de l’Est. Je ne me remémore jamais sans émotion la découverte de la Roumanie en 90 : un rayon, un produit, pas d’atermoiements. Pour moi, la grande surface occidentale est un cauchemar. D’ailleurs, la dernière fois que je suis allé en France, j’ai cru que j’allais tomber dans les pommes au milieu du Leader Price. J’ai mis trois mois avant d’oser remettre les pieds à Carrefour (il n’y a pas de Nutella au Leader Price, on a tous nos points faibles).
Bref, cette histoire de deux modèles différents a retardé d’une semaine l’achat, je ne savais lequel choisir. Finalement, ça a été le rouge, pour des raisons idéologiques.