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Billet de blog 11 mars 2010

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La bicyclette 2

Le choix du vélo réalisé, je me suis rendu hier midi à la boutique avec 100.000 shillings dans les poches. L'Indien a encaissé et demandé à un vendeur de me préparer ma bicyclette : un quart d'heure, m'a-t-il dit. Un autre type est arrivé sur ces entrefaites, et a acheté également un vélo, un hollandais chinois. Le vendeur avait vaguement tripoté mon vélo deux minutes, avant de passer au hollandais.

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Le choix du vélo réalisé, je me suis rendu hier midi à la boutique avec 100.000 shillings dans les poches. L'Indien a encaissé et demandé à un vendeur de me préparer ma bicyclette : un quart d'heure, m'a-t-il dit. Un autre type est arrivé sur ces entrefaites, et a acheté également un vélo, un hollandais chinois. Le vendeur avait vaguement tripoté mon vélo deux minutes, avant de passer au hollandais.

Cinq minutes, 10 minutes, un quart d'heure, 20 minutes. Il fignolait le Batave asiatique, sous le contrôle sourcilleux du chaland. Moi, je m'endormais sur la caisse (il faisait chaud). Au bout d'une demi-heure, toujours souriant (je suis de bonne composition), j'ai demandé au commerçant s'il y en aurait encore pour longtemps. Cinq minutes m'affirma-t-il sans rire. Mon esprit excessivement cartésien a turbiné : comment diable pouvait-il rester cinq minutes de préparation sur le vélo, attendu qu'il m'avait annoncé initialement 15 minutes, que rien n'avait été fait, et que le vendeur était par ailleurs depuis 30 minutes sur l'autre vélo et il n'avait pas fini ???

Soucieux d'ouvrir mon esprit aux conceptions locales de l'écoulement du temps, j'attendis, m'affalant derechef sur la caisse, contemplant rêveusement les antivols et autres pompes accrochés aux murs.

Un nouveau quart d'heure.

Toujours souriant, quoiqu'un tantinet crispé, j'ai fait remarquer à l'Indien que tous les délais étaient pulvérisés, et qu'il semblait bien cependant qu'aucune issue ne se profilât, attendu que personne ne s'occupait de ma bicyclette.

Là, le commerçant m'a regardé droit dans les yeux, son éternel sourire s'est estompé devant la gravité et la sincérité de l'engagement qu'il prenait (un léger reproche, aussi, peut-être, pour cette impatience toute occidentale) :

« Écoute, c'est vrai, ça prend un peu de temps : mais tu vois, pour toi, je veux que le travail soit réalisé parfaitement, je veux que le vélo soit au poil quand tu l'enfourcheras ! »

Je me sentais un peu honteux, mais il fallait que j'aille travailler. Je lui ai donc indiqué que je pouvais repasser, il fallait juste que je le sache, car la justice internationale m'attendait.

« 20 minutes ! » sermentit-il.

Je me suis dis, bon, 20 minutes, je vais boire un café et je reviens, la justice n'en est plus à ça près.

Lorsque je suis revenu, le vélo n'avait pas bougé.

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