Dans notre appart, on a trouvé en rentrant deux chatons dans la cuisine, avec un petit mot signé Mama Mgeni dans le salon, disant sommairement: "Il y a deux chatons dans la cuisine." Certes.
On a d'abord songé à les passer au mixeur, mais on n'a pas de mixeur.
De les livrer en pâture aux chiens, comme le dernier chaton qui est passé chez Baba Mgeni, mais il y a eu une voix contre (sur trois) : j'ai bien argué que la démocratie était respectée, mais voilà que mes colocs se sont mis d'accord pour une prise de décision par consensus (ce qui était douteux sur le plan de la méthode, attendu que je m'y opposais vivement). Bref, j'ai finalement renoncé à convaincre l'abruti en train de bêtifier, après avoir essayé de lui expliquer que les chatons étaient de toute façon condamnés, qu'abréger leurs souffrances était un acte humanitaire courageux, et qu'en plus ça rendrait un chien heureux (ici ils ne sont pas nourris au Canigou, c'est marche ou crève).
Ayant renoncé au chatonicide, je suis allé voir de quoi il retournait à la cuisine. Deux petits chats de gouttière tigrés, patauds. Une minute plus tard, je les avais sur les genoux et je les faisais téter le biberon. Celui qui voudrait faire du mal à ces p'tites bêtes, faudrait qu'il me passe sur le corps. Sans blague!
On a ensuite essayé de creuser le pourquoi de la présence de ces chatons dans notre cuisine. C'était peut-être contre le rat-souris (les avis divergent, certains estiment qu'il s'agit d'une souris grosse comme un rat, rapport aux oreilles de Mickey, les autres d'un rat avec de grandes oreilles) qui bouffe les bananes la nuit et qui joue à Tarzan avec les rideaux (en fait, il entre et sort par la fenêtre de la cuisine, en se servant du rideau comme d'une liane pour passer du rebord de la fenêtre au buffet. Evidemment, depuis qu'on a surpris ses exploits, il n'est absolument plus question d'envisager son élimination physique, et plus personne n'évoque la possibilité de fermer la fenêtre de la cuisine - comment il ferait pour rentrer, hein? - Il faut juste penser à planquer ce qu'on ne veut pas qu'il bouffe).
L'arrivée des chats compliquait singulièrement l'équilibre zoologique de l'appartement, où jusqu'alors tous vivaient en bonne entente. Certes, il y avait un certain contentieux entre les insectes et les geckos, mais je dois avouer que les insectes n'ont pas vraiment un statut de résidents pérennes ici, hormis le faucheux de ma chambre dont je ne désespère pas qu'un jour il parvienne à choper un moustique. Cependant, la taille exceptionnelle de certains insectes fait que rien n'est jamais acquis pour les geckos: ainsi, l'autre jour, celui du salon (trois geckos se partagent le territoire des murs de l'appartement, plus les visiteurs) a pris ses pattes à son cou devant une sauterelle géante entreprenante, dont on s'est demandé si elle n'allait pas le boulotter. Ces petits lézards chauves à la Golum représentent ici une distraction privilégiée, et il n'est pas rare que nous observions avec attention, en les commentant, leurs exploits muraux, plutôt que la télé allumée inutilement.
Le gecko étant parfaitement inefficace pour les plus gros insectes, nous nous en occupons nous-mêmes. Cafards géants et araignées (de taille modeste - hormis les mygales assez rares -, mais qui piquent) sont généralement évacués manu militari lorsqu'ils ne sont pas sauvagement exterminés. Mais un cafard gros comme une souris mastoque, à la bombe, c'est presque mission impossible: une cartouche dans la face, il cavale encore tandis que nous on se retrouve au bord de l'asphyxie.