Flora... C'est la fille d'un frère de Mama, qui est revenu d'Ouganda sans un radis après s'être fait larguer par sa meuf. Un mec très sympa. Je lui ai parlé de François Ier (« Souvent femme varie, bien fol est qui s'y fie »), de Brel (« Elles sont notre premier ennemi, quand elles s'échappent en riant des pâturages de l'ennui, les biiiiiiiches »), il m'a aligné quelques citations imbitables en pas français, mais nous nous sommes découvert en fait, sur le fond, des proximités culturelles fortes concernant les rapports de sexes.
Bref, bien que l'histoire de cette enfant abandonnée m'ait très légèrement attendri à son sujet, il faut tout de même dire que Flora est une peste. Une gamine d'une arrogance incroyable. Elle doit avoir dix ans à tout péter, j'en ai à peine plus mais quand même un peu, et elle se permet à mon encontre des remarques parfaitement déplacées.
Particulièrement concernant l'anglais, que j'étudie intensivement. Et chaque jour me procure de nouveaux sujets d'étonnement. Par exemple, figurez-vous que « though », que j'ai toujours prononcé « sougue », voire « sâougue » quand je voulais frimer, et ben en fait ça se prononce un truc comme « seou » (à peu près) et il n'y a aucun « gu ». Niet, que dalle. Alors pourquoi diable l'écrire ? Pour faire chier, c'est la seule explication rationnelle. Pour nous faire passer pour des cons, tout en disant que l'anglais c'est super facile. Ce qui est un mensonge éhonté.
Malgré tout, je fais des progrès : pour la première fois de ma vie, quelqu'un m'a affirmé que j'avais un bon accent. Sa preuve, c'est qu'elle ne comprenait rien à ce que je disais. Une Malienne francophone. Evidemment, j'ai d'abord pensé qu'elle se payait ma bobine. C'est pas grave, j'ai l'habitude. En fait, non : il faut dire que son cas à elle relevait du pathologique. Elle est du genre à prononcer « think » avec le « h » aspiré (j'ai essayé, c'est pas facile).
Flora, un jour que je rentrais épuisé d'une journée de labeur, me demande de lui enseigner le français. Je commence donc impromptu à lui apprendre à dire bonjour. Evidemment, en traduisant en anglais. Voilà pas que cette sale môme commence à reprendre l'accent de CHAQUE MOT ! Je commençais à sourire sévèrement jaune, et j'ai fini par lui révéler ce que je pensais de l'anglais et des anglophones. Et je suis allé me coucher.
Le lendemain, elle a encore eu le front de me demander l'air ingénu pourquoi je dormais autant.
Insupportable.