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Billet de blog 16 avril 2008

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Blog d'un Gamin de banlieue 1

Il y avait hier 15 avril une manifestation de lycéens à Paris. Le cortège était apparemment constitué de 20000 à 40000 participants selon la source. Je n'ai jamais trop bien compris à quoi servait de donner des chiffres avec une marge d'erreur aussi énorme mais passons, ce n'est pas là l'objet de mon propos.

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Il y avait hier 15 avril une manifestation de lycéens à Paris. Le cortège était apparemment constitué de 20000 à 40000 participants selon la source. Je n'ai jamais trop bien compris à quoi servait de donner des chiffres avec une marge d'erreur aussi énorme mais passons, ce n'est pas là l'objet de mon propos.

J'ai des amis enseignants qui ont manifesté mais qui ont été choqués par le fait qu'en bout de cortège et plus tard dans le métro et le RER, ils ont été aux prises avec des pseudo lycéens de "banlieue" qui étaient montés à Paris apparemment moins pour manifester que pour se défouler sur les autres lycéens. Ils m'ont fait part du fait que ces jeunes étaient très agressifs et que ça aurait pu dégénérer si le cortège n'était pas parti un peu plus tôt que l'heure prévue. Certains se sont étonnés que ça ne soit pas plus relayé par les médias, d'autres ont regretté que ça ait limité la participation des "vrais" lycéens qui ne seraient pas venus de peur de se faire tabasser ou voler les téléphones portables. C'est en fait cette dernière remarque qui me fait réagir aujourd'hui.

Je suis moi-même ex- gamin de banlieue, mais je devrais retirer le "ex" car dans l'esprit je crois qu'on le reste toute sa vie même si le cadre peut (heureusement) changer. Force est de constater que la jeunesse française a toujours été multiple mais je crois qu'elle n'a jamais connu un clivage aussi grand qu'en cette période où on a d'un côté, les "bons" lycéens ou étudiants de filières générales et de l'autre les jeunes de banlieues souvent élèves de lycées professionnels et rarement étudiants (même si les choses progressent).

Plusieurs voix à l'instar de celles de mes amis enseignants s'élèvent à juste titre contre les comportements de ces jeunes garçons, qui sont sans foi ni loi et parasitent ou plutôt empoisonnent les manifestations étudiantes, ou encore sifflent la Marseillaise au moment des rencontres de foot. Je reconnais qu'on ne peut pas cautionner violence et délinquance. Pour autant, la partie "banlieusarde" de mon cerveau me fait penser que ces jeunes ne font rien d'autre que renvoyer à la France l'image de son hypocrisie et de sa lâcheté. Après chaque émeute, on entend les mêmes discours avec l'aspect éducatif d'un côté, demandant plus de moyens sans projet ni idée précise de ce qu'il faudrait en faire à part miser la bouche en coeur sur des associations, pansements sur une jambe de bois. De l'autre bord on cloue au pilori des parents démissionnaires auxquels il faudrait retirer les allocations pour les responsabiliser.

Il est tellement plus facile de s'indigner ou de renvoyer la responsabilité sur ces pauvres gens plutôt que de réfléchir sur une vraie réponse collective et politique.Par expérience j'invite les champions de la responsabilisation/culpabilisation à se mettre dans la peau du père (ou de la mère) de famille de banlieue aux prises avec son garçon de 16 ans en pleine crise d'adolescence et à l'horizon assez sombre pour ne pas dire bouché. Le parent aura beau se démener, s'il n'a pas les moyens d'offrir une alternative à la rue crédible à son enfant, il pourra se sentir aussi responsable qu'il le voudra, il finira par perdre toute autorité. Il arrive d’ailleurs souvent que des parents aient physiquement peur de leurs adolescents dans les quartiers. Le fait de retirer des allocations ou de punir les parents ne leur rendra pas leur autorité jusqu'à preuve du contraire et contribuera même à les fragiliser encore plus.

Pour en finir avec les problèmes de casseurs dans les manifestations, il faudrait que la France prenne enfin ses responsabilités. La République doit arrêter son hypocrisie et accepter réellement ces populations comme bel et bien françaises et méritant de l'attention autant que n'importe qui. Les politiques doivent arrêter de tenir un double langage qui consiste prôner le désenclavement des quartiers tout en payant des amendes au niveau municipal plutôt que d'accepter la vraie mixité sociale, seule solution à mon sens à même de résoudre les problèmes. Ils devraient arrêter d'instrumentaliser la situation des quartiers à des fins électorales avec les « nettoyages au Karcher », « moutons dans les baignoires » et autres bêtises faciles mais tellement efficaces électoralement.

Enfin plutôt que d'attendre la prochaine émeute de réagir à chaud et de façon passionnelle, pourquoi ne pas lancer ce débat à froid et trouver une solution concertée et ambitieuse. Le problème est que pour cela, il faudrait des médias moins lâches et des hommes politiques courageux, hors ceux que nous avons ne sont intéressés que par l'écume plutôt que par la résolution des problèmes de fond.

Mon rêve serait de pouvoir un jour "moucher" un jeune délinquant de quartier en lui disant qu'il n'a aucune excuse pour son comportement au vu de toutes les possibilités qui s'offrent par ailleurs à lui et qu’il devrait rendre à la France tout ce qu’elle lui donne, or je crois bien que c’est malheureusement bien ce qu’ils font déjà aujourd’hui, ils rendent à la France ce qu’ils estiment lui devoir…

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