Besançon, Palente, 07 décembre 2025 - 16 h 32
La Terre continue sa course effrénée. Aujourd’hui, la pluie vient attrister le ciel de mon quartier, à Besançon. La lumière se raréfie, comme de coutume à cette période de l’année. La nuit vient prononcer, si tôt, ces premières notes comme on balbutie ses premiers mots.
Ressentir que les rayons du soleil approchent ou disparaissent fait partie des grands mystères que je ne m’explique pas intérieurement. De même, comment sait-on, au cœur des ténèbres, qu’une lueur va arriver ?
C’est en auscultant ce que j’ai à l’intérieur de cet espace de vi(d)e qui est absolument mien que je peux le percevoir, l’appréhender. Et peut-être aussi, je l’espère un jour, le comprendre véritablement.
Il faudrait réinventer un langage tout entier, qui serait tout à fait propre à chacun, sans pourtant appartenir à personne. Ainsi, nous parviendrions à exprimer, dans toute sa vertigineuse ampleur, ce que signifient les qualités d’une vie riche et pleine.
Les mots communs emprisonnent cet étrange espace invisible, le fixent et, par là même, l’anéantissent, le relèguent vers une réalité déjà passée… Un souvenir imparfait, car déjà altéré de ce qu’il fut, jadis, dans un présent déjà advenu. Le territoire entre ce quelque chose et rien semble si ténu qu’on dirait que ce qui existe ne peut l’être que sous tension.
Suis-je la même que ce que j’étais, déjà, au moment de commencer à taper ces quelques lignes ? À quel point le son des touches, les lettres que je visualise et les phrases que je forme peuvent-ils changer ce que je suis ? Au moment même où j’écris, les lettres, les mots et les phrases sont déjà passés, eux aussi. Ils sont autre chose que moi, qui ne suis déjà plus ce que j'étais…
Je ne m’attrape donc jamais vraiment, je suis toujours ailleurs, dans un espace entre l’être et le dire. Enfermée entre cet intérieur flou et cet extérieur d’un monde mécaniquement organisé. Un signifiant chaos !
Le vent commence doucement à se lever ici. Les volets claquent. Il fait déjà presque nuit maintenant.
Il est temps de reprendre son souffle. On mésestime la puissance du vide, de l’instant accordé au repos. De cette satisfaction qu’on éprouve à ne rien faire un temps donné. À simplement se réaccorder à une temporalité sereine, sans bruit. Il y aurait tant à dire sur ce vide…
En tant que "…" suspendu, il est vrai qu’il est difficile de le qualifier. Il n’est pas tout à fait une réalité spatiale ou temporelle. Il est. Il devient aussi. Il se poursuit, parfois calmement, mais aussi, plus intensément. Pour ce qu’on en sait, il ne cesse sa course qu’au moment venu.
Ça y est, il fait nuit maintenant.
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Besançon, Palente, 08 décembre 2025 - 20 h 43
Je pianote et laisse défiler les différentes actualités du jour qui semblent décousues, comme si aucune n’avait de lien avec l’autre. Non pas comme un patchwork désorganisé, mais comme une zizanie absurde. Tout ceci n’a donc aucun sens ?
Au contraire, malgré l’apparente dissonance des informations, je vois tout ceci plutôt comme un tout, qui ne dit pas clairement son nom. Et dont la réalité n’est pas certainement énoncée. Déjà, ce monde qui m’était apparu si furieux ces derniers mois semble vouloir être mis KO, dans ce qui paraît être une mise en sourdine anticipée des voix qui raisonnent…
On retourne à nos affaires, on ne voit plus que le sol à nos pieds, au lieu de voir un horizon s’échapper devant nos regards ébahis… Il semblerait donc que les Hommes soient aussi des êtres qui finissent par courber l’échine… ?
Telle n’est pas "la vie des Hommes", pour reprendre le poète. Se taire et regarder en bas, se résigner. Laisser l’absurdité remporter une victoire décisive. On oublie, on se ment, on s’illusionne… On se cache pour oublier que nous sommes des êtres nés pour être libres, authentiquement véritablement et indiscutablement libres.
Mais voilà, il faut parfois que nous mettions des chaînes à nos propres pieds pour traîner un boulet de vanité, un poids que nous inventons de toute pièce pour trouver un sens aux destinées de cette étrange humanité.
On dit qu’il n’y a qu’une seule limite à sa propre liberté : celle de l’autre. Mais en vérité, personne ne peut être libre sans la liberté des autres. L’Homme, dans son aspiration sans limite pour le vide, entraîne avec lui tout ce qui lui paraît semblable à lui. C’est vrai pour le pire, mais aussi pour le meilleur…