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Billet de blog 22 décembre 2025

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L’hiver du vide

Voici la journée du lundi 22 décembre 2025 qui s’apprête à s’achever. Je vous propose, depuis Palente, mon quartier à Besançon, un nouveau texte. Une nouvelle chronique du vide que je me suis permise d’illustrer moi-même ce soir. J’espère que cela vous inspirera vous aussi. Bonne lecture à vous, si vous passez par là :)

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Besançon, Palente, 22 décembre 2025 – 19 h 39

Illustration 1
"Cœuricide" © Myriam Bendjilali

Alors que mon envie de prendre la parole semblait s’être évaporée depuis quelques semaines - épuisée, sans doute, par le manque de lumière, les nuits trop longues et un rythme de travail irrégulier -, me voilà aspirée par le vide de la page, prête à la remplir de ces mots. Ce soir, une rage d’écrire m’étreint.

Je voulais vous parler de Palente et de Besançon, de ces quartiers populaires, de ma lassitude face à un monde qui sombre dans un obscurantisme étrangement manifeste, ou peut-être manifestement étrange. Peu importe. Écrire reste la meilleure chose à faire. Témoigner. Se souvenir. Garder une trace de tout cela, quelque part. Même si une seule personne lit ces lignes, cela en vaut la peine. Cela vaut mieux, en tout cas, qu’un néant sans reflet, sans esprit, sans vie — qu’un quotidien qui soupire sa litanie interminable.

L’hiver fatigue. Il harasse. Seuls les êtres animés d’une force particulière parviennent à hisser leur détermination au-delà des frontières de l’impossible immobile.

J’ai été surprise par ce silence. J’ai tenté de le comprendre. Certaines choses ont besoin de temps pour être digérées, tout simplement parce qu’elles n’ont pas plus de sens que cela. Elles respirent le vide. Elles en sont aspirées. Tous les mots naissent d’une déchirure. Le bonheur, lui, est pudique : il ne montre pas son visage au monde du vide.

Illustration 2
Visage © Myriam Bendjilali

Ce qui s’écrit du bonheur se mêle à la souffrance la plus intense, la plus précise, celle qui le contient. On perd facilement sa trace, le bonheur, dans un marasme de creux et d’échos lointains.

Mais qu’est-ce qui me prend ? Alors que j’avais griffonné quelques mots sur ces semaines écoulées, je m’aperçois que je ne peux m’empêcher de revenir à cette réalité oppressante du vide. Alors, j’essaie  autrement :

La fin de l’année invite au bilan, à la remise en question pour mieux aborder celle qui suit. 2025 aura été une année si remplie… de vide. Ici, à Palente, quartier de Besançon, la campagne pour les prochaines  élections municipales a commencé, timidement.

J’ai compté au moins deux partis qui ont tambouriné à  ma porte ces deux dernières semaines. Je feins de me demander : seraient-ils venus si les élections n’avaient pas lieu dans quelques mois ?

La réponse me semble évidente, et je vous l’épargne, car vous la connaissez aussi. Je regrette que la parole soit si fragile, que les mots manquent. Mais peut-il en être autrement face au vide ?

Si l’actualité ne m’inspire rien de formulable et d’honnête, je voulais tout de même revenir sur l’attaque terrifiante qui a frappé Sydney le 14 décembre 2025. Une attaque qui visait, sans l’ombre d’un doute, la communauté juive d’Australie. Cela m’a poussée à écrire un texte que je souhaite partager avec vous. J’ai tenté d’y poser des mots clairs sur mes impressions, mais je n’ai trouvé qu’un espace terrifiant, assourdissant, trop plein de vide. Le voici. J’espère qu’il trouvera un écho en vous.

Illustration 3

On dit souvent que tout est politique. Pourtant, il m’arrive d’en être fatiguée. Quand il y a des morts, des innocents blessés, il faut respecter ce temps d’assimilation, ce besoin de justice. Je suis lasse des viles récupérations, des discours opportunistes. J’aimerais prendre le temps d’une respiration, d’un souffle salutaire pour murmurer : 

"Les mots me manquent. J’écoute ta douleur et je compatis à ta peine. J’ai mal pour toi. Arrêtons de nous anéantir, car un jour, je le sais, nous marcherons sur ce chemin, main dans la main, nos cœurs vivants et bénis".

Illustration 4

Et voilà. Le froid revient, si vite. Il espace et distance tout ce que nous croyions avoir acquis. Le froid fait mal, car il est né du vide. Maintenant que la nuit est tombée, rien ne m’inspire plus de vide que ce froid soporifique. J’attends le matin, les quelques rayons qu’il apportera suffiront peut-être à me requinquer…

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