Es-tu une poétesse ? Es-tu une terroriste ?
Ce qui te reste ce sont les mots
et encore ils aimeraient bien t'arracher la bouche
pour que rien ne sorte du silence
de leurs crimes.
La liste grandit de ce qu'on t'interdit
les mots bannis et les non dits.
As-tu le droit de dire qu'on te censure ?
La guerre mine désormais
les terres langagières. Un mot de trop et tu sautes.
Tu perds ta crédibilité, tu perds ton contrat,
tu perds tes soutiens, tu perds ton réseau. Si tu ne reprends pas les termes de ce qu'ils disent en boucle sur les écrans
tu es perdue, tu es l'ennemie.
As-tu le droit de citer Mahmoud Darwich ?
« Inscris
je suis arabe
Mon nom est commun
je suis patient dans un pays
bouillonnant de colère »
Si tu ne veux pas être mise en garde à vue pour :
"apologie de la violence" épure tes mots.
« Inscris.
Je suis arabe
dans un pays bouillonnant. »
est-ce que ça, tu as le droit de le dire ?
Ils découpent les poèmes,
ils amputent les mots, ils déchirent les modalités de ton discours
même quand tu ne parles pas. Ils tentent de déraciner
l'esprit des mots qui sont en toi.
Y parviennent-ils ?
Avec les confettis, tu formes d'autres mots
et d'autres poèmes. L'imagination est de ton côté. Tu recomposes mille et un sens partant de ce qui est banni. Tu crées de nouveaux mots,
tu réinventes la langue. Tu t'amuses et tu joues dans les terrains vagues
des sens indécents. Les combinaisons sont infinies.
Tu jettes des bombes à graines
dans les déserts de la langue. Es-tu une poétesse, es-tu une terroriste ?
Tu les laisses dire et tu attends
que les mots trouvent leur chemin vers la lumière.
Tu sais bien que la poésie est puissante.
Comment pourraient-ils empêcher
les chants de germer ?