myr (avatar)

myr

Abonné·e de Mediapart

36 Billets

3 Éditions

Billet de blog 4 août 2008

myr (avatar)

myr

Abonné·e de Mediapart

Haut perchée

Hier, j’étais à 603 km de Paris, 3369 km de Moscou, 5531 km de New York et 9969 km de New Delhi. Quant à Toulouse, je ne le saurai jamais puisque la table d’orientation en indiquait seulement la direction. Il reste l’énigme Königswinter - seulement 1129 km - et je me demande encore ce qui a justifié le choix de cette ville.

myr (avatar)

myr

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Hier, j’étais à 603 km de Paris, 3369 km de Moscou, 5531 km de New York et 9969 km de New Delhi. Quant à Toulouse, je ne le saurai jamais puisque la table d’orientation en indiquait seulement la direction. Il reste l’énigme Königswinter - seulement 1129 km - et je me demande encore ce qui a justifié le choix de cette ville.


Haut perchée sur les ruines du fort qui surplombent la vallée à plus de cent mètres, je regarde le cours tranquille de la rivière Lot. J’aime ce silence écrasé de chaleur, l’espace tout de vert et de bleu vêtu et cette lumière douce de fin de journée.

Me tournant vers l’autre versant, je détaille l’enchevêtrement des maisons du petit village, les ruelles à peine visibles. Il est 19h30, les touristes sont partis, le parking n’est plus payant, les chats rejoignent mollement les toits de tuiles plates et Saint Cirq Lapopie s’abandonne aux heures paisibles.


Du haut de ce pic, mon regard trouve le petit cimetière, entouré d’un de ces murs de pierres du Lot qui poussent dans le moindre lopin de terre. Tout à l’heure, alors que j’achetais quelques cartes postales dans une sombre et fraîche boutique, la vieille dame, arrimée derrière sa caisse depuis des décennies, m’a fièrement expliqué qu’elle était née « ici-même, au village ».

Ses yeux plissés et rieurs retraçaient les années passées avant de se faire plus graves :
« C’est fini maintenant. On n’a plus d’école, la Poste deux fois deux heures par semaine et plus de commerces. Même pas une épicerie et plus de boulanger. Celui du village à côté passe une fois par semaine avec son camion et pour les courses, il faut aller à une vingtaine de kilomètres.
« En ce moment, reprend la dame au tablier à carreaux, il y a des boutiques ouvertes dans le village, mais dès l’automne tout le monde s’en va ; ce sont des gens qui ont acheté des maisons, des commerces ou qui les louent mais juste pour l’été quand il y a des touristes qui achètent. Moi, je reste. L’hiver, on est 30 dans saint Cirq et il n’y a même plus de messe le dimanche mais le curé vient quand il y en a un qui meurt, pour l’enterrement ».


Je regarde longtemps le cimetière et je pense à André Breton qui vécut ici et conviait ses amis du mouvement surréaliste.

Au détour des ruelles et des roses trémières, on pouvait croiser Man Ray, Paalen, Alechinsky, Pierre Daura et bien d’autres.

En septembre 1966, la veille de sa mort, c’est dans sa maison de Saint Cirq Lapopie - l’ancienne auberge des mariniers - que Breton demanda à être rapatrié. Quelques années auparavant, il écrivait :
« Par delà bien d'autres sites - d'Amérique, d'Europe - Saint-Cirq a disposé sur moi du seul enchantement : celui qui fixe à tout jamais. J'ai cessé de me désirer ailleurs.
Je crois que le secret de sa poésie s'apparente à celui de certaines Illuminations de Rimbaud, qu'il est le produit du plus rare équilibre dans la plus parfaite dénivellation des plans.
Ses toits, c’est toi.
L’énumération de ses autres ressources est très loin d’épuiser ce secret. »

3 août 2008 : le petit cimetière disparaît dans le crépuscule et le secret des étoiles. Je rentre.

.

****

.

Et aussi, l'édition des PPJ !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.