En cette période de voeux de nouvel an et pour affronter 2015 avec enthousiasme et combativité, il est bon de prendre un peu de temps pour la reflexion et l'inspiration.Dans cette optique je vous invite vivement à écouter l'excellente conférence qu'a donnée l'économiste du travail Bernard Friot à La Sorbonne le 29 novembre dernier. Vous la trouverez là : http://vimeo.com/113375817
En ce début de l'année qui marquera le 70ème anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, de la victoire contre le nazisme et de la mise en oeuvre du programme du Conseil National de la Résistance, Bernard Friot nous propose une "autre lecture de 45" et des conquètes économiques et sociales du CNR. A contre courant de l'interpretation académique officielle, celle de l'école de la régulation qui y voit une étape "fordiste" du capitalisme et du sens commun qui considère la sécurité sociale sous l'angle de la solidarité, Friot explique que les ministres communistes du gouvernement provisoire, Maurice Thorez pour la Fonction publique et Ambroise Croizat avec la Sécurité sociale, ont initié une autre pratique anti-capitaliste de la valeur économique et du travail. Ils ont posé que le salaire attribué aux fonctionnaires, aux retraités, aux parents et plus tard aux soignants et aux chômeurs n'est pas une ponction sur la valeur économique produite dans la sphère capitaliste mais bien la reconnaissance d'une valeur ajoutée non capitaliste. D'ailleurs la plus grande part de la croissance du PIB de la période dite des "30 glorieuses" est due à cette production non capitaliste. Les fonctionnaires et tous les bénéficiaires des 4 caisses de la sécurité sociale nous rappellent qu'on peut travailler et produire de la valeur économique sans valoriser des capitaux ni être soumis aux aléas d'un marché du travail. Ce n'est pas pour rien que le statut de la fonction publique d'Etat et en particulier la sécurité salariale a servi de modèle aux syndicats ouvriers du secteur privé jusqu'en 1995.
Dans ce contexte, le capital avait perdu la main et vu ses taux de profit baisser jusqu'au début des années 1980 et c'est en ralliant à sa cause une partie de la gauche traditionnelle (le PS en France) et du syndicalisme ouvrier (La CFDT) qu'il a repris l'avantage depuis. Et c'est parce que nous n'avons pas vu la dimension révolutionnaire des acquis du CNR (qui n'a pas échappé au patronat comme l'a très clairement exposé Denis Kessler en 2007 avec son fameux "Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !") que le mouvement ouvrier n'est plus à l'offensive mais se contente d'être "en résistance" pour tenter de freiner la reculade.
Enfin, Bernard Friot en appelle à la laïcité de la République pour libérer l'espace public des divinités du capital, le marché des capitaux et celui de travail sur l'autel desquelles nous faisons tant de sacrifices. Car la religion du capitalisme c'est la naturalisation de ce qui nous asservit : la propriété lucrative, le marché du travail, la dictature du temps sur notre travail et le crédit.
En 2015, à la suite de nos amis grecs, relisons notre histoire, révisons nos valeurs et reprenons l'offensive.
Et comme diraient nos voisins espagnols, Podemos !
Bonne année !.