L'article publié dans Le Monde d'hier (Coût du travail : ce que prépare l'Elysée) est éloquent.
Eloquent, cet article l'est en effet, à la fois sur la vraie nature du gouvernement Hollande-Ayrault, mais aussi sur ce qu'en pense Le Monde.
Il est clair, une fois de plus que nos dirigeants "socialistes" ont cédé depuis longtemps aux sirènes du capitalisme débridé, prennent leurs ordres au MEDEF et s'ennivrent de "compétitivité" (Lire sur ce point l'article de Gilles Ardinat dans le dernier Diplo). Hollande semble assez satisfait du travail accompli par son prédecesseur, et il entend le mener à terme.
Quant aux journalistes du Monde, ils considèrent déjà que le gouvernement n'en fait pas assez (en matière de libéralisation), et s'étonnent qu'il ait enfin "décidé d'avancer vite". Car pour eux les salariés pèsent sur les "coûts du travail" qu'il est urgent d'alléger.
Or, cette complainte contre le "coût du travail" est une vieille rengaine patronale qui répète en boucle que les "créateurs de richesses" et autres "forces vives de la Nation" sont les "entrepreneurs", autrement dit les patrons et leurs actionnaires (qui sont souvent les mêmes dans les PME et dans beaucoup de grandes entreprises familiales), et que les salariés ne sont que des "ressources humaines" mises au service de la "création de valeur" (lire "profit et plus-value pour l'actionnaire"). Dans le JT de France 2 de lundi, ce pauvre Arnaud Montebourg (comme le qualifie Frederic Lordon dans le Diplo d'août), a dit à propos de à propos de la fermeture des hauts fourneaux de Florange par le milliardaire Mittal que "l'Etat ne sait pas faire d'acier" tandis que le journaliste de France 2 (un peu moins libéral que ses confrères du Monde) lui rétorquait que "les travailleurs, eux, le savent".
Donc le saccage de la cotisation sociale, cette "charge qui pèse sur les entreprises" et pénalise leur "compétitivité" va continuer, et même s'accélerer.
Dans ce contexte il est urgent que la gauche de gauche, Front de Gauche en tête, prennne ses distances avec les arguments de la classe dominante et défende ses propres valeurs, c'est à dire celles de la classe ouvière élargie aujourd'hui à tout le salariat. Or, ce qui fait la force de la classe ouvrière, et je l'ai encore vérifié recemment en discutant avec des ouvrières d'une petite entreprise locale de peinture industrielle, c'est qu'elle se reconnait comme seule créatrice de richesses et souffre d'autant plus dans les guenilles de la "force de travail" qu'on voudrait la voir vétir.
Dans la douloureuse conquète de sa part de valeur ajoutée, le mouvement ouvrier du XXème siècle compte de très belles victoires, parmi lesquelles la sécurité sociale comme part du salaire (et non comme épargne), donc la cotisation sociale patronale, et la qualification qui l'émancipe du "marché du travail". C'est au prix de hautes luttes qu'à la fin des années 1970 plus de 70¨% du PIB allaient au salaires, et c'est au prix de notre renoncement que le capital nous en a repris 10% trente ans plus tard.
La protection sociale salariale pose le parent, le malade et ses soignants, le chômeur et le retraité, comme des travailleurs hors de l'emploi qui continuent de percevoir un salaire, comme les fonctionnaires payés pour leur grade.
A contrario la fiscalisation de "l'assurance sociale", qui va toujours de paire avec un complément d'épargne (au titre de la prévoyance) ne pose plus ces mêmes personnes comme des travailleurs qualifiés faiseurs de société et de richesses, mais comme des "inactifs" ayant droit à la solidarité nationale, voire à la solidarité intergénérationnelle. Elle fabrique des bataillons de "sans emploi" de "sans qualification", disqualifie le travailleur et réduit le citoyen à un éternel "demandeur d'emploi" en quète de son "pouvoir d'achat".
Face à l'arrogance du patronat et de ses porte serviettes politiques et médiatiques, nous devons revendiquer non pas le "plein emploi" et notre "pouvoir d'achat" qui font de nous des mineurs sociaux mais le pouvoir économique et notre droit au salaire.
Mais pour celà il nous faut prendre conscience du caractère révolutionnaire des institutions du salariat que nos ainés ont créées (le salaire à la qualification et la cotisation sociale) et pousser plus loin les leviers que nous avons délaissés depuis 30 ans : l'augmentation régulière des taux de cotisation et du taux de remplacement du salaire pour les retraités les chômeurs les malades, et meme un vrai salaire pour les étudiants.
En 30 ans nous avons perdu plus de 100 milliards d'euros par an de PIB; nous devons les reprendre.
"l'Elysée souhaite étaler ce transfert de charges sur la durée du quinquennat, à raison de 8 à 10 milliards d'euros par an" signale Le Monde. Nous pouvons le prendre au mot, mais en sens inverse : plus 10 milliard par an pour les salaires, cotisation sociale incluse.
CQFD.