Alors, comme ça, notre président Hollande veut former les élèves à « l’esprit d’entreprendre » de la sixième à la terminale. Quelle farce, quelle mauvaise farce.
Car, en effet, de quoi s’agit-il ? C’est quoi « être entrepreneur » ?
Ce terme gratifiant, on l’assimilerait facilement au qualificatif d’entreprenant qu’on attribue aux extravertis, à ceux qui osent, qui vont de l’avant, qui « prennent des risques » contrairement aux introvertis, aux timides qui eux n’osent pas et restent en retrait. D’ailleurs, sans rire, François Hollande parle à «ceux qui créent de la richesse et prennent du risque», ce qui laisse entendre que les autres ne produisent rien et restent planqués à l’abri. Bel hommage à la grande majorité de nos concitoyens qui ne sont pas « entrepreneurs »…
Car « être entrepreneur » a deux significations qu’il faut bien avoir à l’esprit pour comprendre ce qui fascine la classe dominante dans « l’esprit d’entreprise ». La première, celle qu’on met en avant, c’est diriger une entreprise c'est-à-dire conduire, animer, guider un collectif d’hommes et de femmes au travail pour produire ensemble, et avec leurs fournisseurs, des biens et des services reconnus comme ayant de la valeur économique. Mais c’est aussi posséder une entreprise au sens de la propriété lucrative, c'est-à-dire un objet abstrait qui a de la valeur en soi (les comptables parlent « d’actifs ») et dont on tire un revenu à deux occasions : par le dividende ponctionné sur la valeur produite chaque année (dès lors qu’il y a un bénéfice) et par la plus-value que l’on tire de la vente de son entreprise ou de parts de celle-ci. L’entrepreneur, au sens capitaliste du terme (le manager des temps modernes), souffre donc naturellement d’une double personnalité comme le docteur Jekyll et son Mr Hyde : d’un côté le chef d’équipe entreprenant, créatif et aventurier, souvent sociable et attentif à entrainer avec lui son « équipe ». De l’autre, le rentier cupide cherchant à faire fructifier son patrimoine en réduisant par tous les moyens les « charges » et en particulier les salaires de « ses collaborateurs ».
Or, les mesures prises par le gouvernement en faveur des « entrepreneurs » s’adressent bel et bien aux « patrons » c'est-à-dire aux Misters Hyde de l’entreprise, aux actionnaires et aux rentiers : accord MEDEF sur le travail, fiscalité des plus-values de cession de parts sociales. Quant à « Stimuler l'esprit d'entreprise » à l’école, qu’est-ce qu’on va enseigner à nos chères têtes blondes ? Si c’est pour leur chanter la comptine du MEDEF, Mélenchon a raison d’être cru et dru dans sa réponse : « Un jeune élève a d'autres choses à apprendre avant de se faire enseigner la cupidité. »
Aller Ouste, du balai !
PS : le Réseau Salariat tiendra un point fixe à la manifestation du 5 mai. Venez nous retrouver.