La nuit de dimanche à lundi, pour vous qui me lisez, n'a pas été de tout repos pour moi. Comme vous le savez j'ai couru, j'ai essayé de trouver un hôpital de fortune installé dans un bar, mais je n'ai pas pu les atteindre. Il est 3 heures de l'après-midi, mon sac est rempli de pansements, désinfectants, et autres ventoline pour les souffrants du gaz lacrymo. Dans ce qui suit, avant de repartir vers le centre d'ankara, j'aimerais exposer les rumeurs qui courent, ce que je peux confirmer. J'écris dans l'urgence, et sans vraiment avoir réfléchi à comment le faire, donc excusez-moi si peut-être parfois, mes textes sont difficiles à comprendre.
Je reviens de Kizilay,le centre d'Ankara, là où tout s'est déroulé ces derniers temps. La vie a repris son train train normal, sauf pour les quelques centaines de policiers qui patrouillent, et les policiers en civils que les restaurateurs nous pointent du doigt " Lui c'est un flic, mais t'inquiète il est sympa"traînent dans les terrasses, à la recherche de révolutionnaires trop attachés à leur caffè latte.
Je suis retourné à Kizilay me trouver cette infirmerie, un hôpital de campagne, j'ai eu beau demander aux restaurateurs, aux proprios de café "alternatif", personne ne pouvait me le dire. Tristounet de ne pas savoir ou déposer le matériel que je transporte telle une tortue, après le dernier café et la dernière conversation n'ayant pas porté ses fruits, j'abandonne, et repars en direction de mon arrêt de bus. Peu après mon départ du dernier café ( le Don quichotte), quelqu'un me rattrape, me dit, en anglais " Ecoute, personne ne peut vraiment te dire ou se trouvait l'infirmerie parce qu'il y'en avait deux, et que l'une a fermé tôt, l'autre a été gazée dans la nuit". Comment ça gazée ?" bah oui gazée, ils ont vu une infirmerie, ils ont balancé du gaz dedans, quelques grenades, puis arrêté plusieurs perosnnes qui étaient là". Je remercie mon informateur de son intervention et repars chez moi.
Sur le chemin je réfléchis. Que penser de ça? une police qui s'acharne sur les malades, une police qui ne manque pas d'agressivité à l'égard de qui que ce soit.Une police qui fait usage d'un arsenal technologique impressionant, une police qui a l'air de s'amuser pendant qu'elle tape dedans ( j'ai vu un policier faire une pose pour ses collègues qui le prenaient en photo). J'ai eu encore tout de même du mal à y croire. De nouveau les médias sociaux, facebook et autres twitter, qui dérangent Erdogan selon ses dires, m'ont trop informé. J'ai peur des rumeurs bien sûr, et j'ai peur de passer pour un con à vous décrire des choses dont on parle, mais bon.
Les armes chimiques sont nos premières rumeurs. Au-delà du Gaz lacrymo classique, on parle d'agent orange dans l'eau utilisée par les canons à eau. Effectivement, j'ai vu les jets de ces derniers et c'est de l'eau orange qui sort comme un projectile. J'ai vu les gens qui étaient proches de ce jet vomir, ou réagir de façon plus ou moins extrêmes mais cette réaction pouvait être aussi dûe au gaz lacrymo. Au delà du gaz lacrymo, mon problème c'est la quantité. Je vous assure q'hier à kizilay, c'était un match de tennis entre manifestants et flics. 10 15 grenades ou projectiles de lacrymo toutes les 10 minutes en fin de journée. Les flics ont abandonné quand le vent a tourné dans leur direction; chaque grenade leur revenait en plein dans le visage, et les gradés observant la manif n'avaient pas eu l'intelligence de porter un gaz.
Le plus triste, et peut-être le plus tristement poétique, est Kugulu park. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas Ankara, et bien je n'ai jamais connu ville plus urbaine, grise, et tristounette. Les turcs en font un endroit agréable à vivre à cause de leur culture. L'une des seules rédemptions de Ankara était Kugulu park, un petit parc de quelques centaines de mètres carrés peut-être ? avec en son centre, des cygnes, qui fournissaient un peu de poésie à une ville qui en demandait énormément. Ceci n'est pas rumeur, on l'a tous vu, jespère apporter des photos dés que possible; les cygnes sont tous morts. Tout comme le peu de bonheur qu'il y'avait à vivre à Ankara est mort avec les premiers jets de gaz lacrymos .
Autre rumeur un peu flippante; des groupes de pro AKP se déplaceraient en ville, et poseraient des questions aux passants, choisisssant qui tabasser, qui ne pas tabasser. Je doute fortement de la véracité de ces dires, mais vous voyez ou nous en sommes ?
L'arrestation à vue, n'est plus une rumeur, les flics se comportent en roi de la rue. ( http://s1.directupload.net/images/130603/ltoyuelt.swf) et d'aucuns, déclarent qu'ils ne font que suivre les ordres. Si les ordres sont de se comporter comme ça, ça va très mal se passer dans les jours à venir. ( j'utilise flic quand je suis pas content, sinon moi les policiers j'ai rien contre hein ? Il n'y a pas de sot métier)
D'ailleurs, détail terrifiant pour moi: les chaînes télévisées ne passent que très peu d'information sur la situation.
Le plus gros problème. C'est Erdogan. Les gens en ont assez. Vous pouvez regarder les vidéos sur youtube, ce type est un as de la politique, il sait parler, il sait réagir comme il le faut, il se pose en leader charismatique et ça passe pour beaucoup. Mon analyse de la situation n'est pas celle de journalistes qui se sont spécialisés dans la question turque, mais une lecture rapide des résultats des élections et de ce qu'il a fait par le passé me dit la chose suivante; les turcs veulent vivre en démocratie, dans uen situation stable, pas une situation ou l'armée peut intervenir à tout moment. Il a le soutien des classes inférieures et des libéraux économiques. Mais qui dit libéral économique en turquie dit en général libéral politique. Si il les approche comme ça, il va se ramasser au vote.
Mais la façon que la police a eu d'intervenir à Gezi Park a ravivé les passions, à attiser le feu, les braises que l'on entretenait en insultant sa mère autour d'une bière . LA violence contre les manifestant pacifiques à Gezi Park a rappelé à tout le monde les 5 derrnières années, en effet, à la moitié de son dernier mandat et depuis sa dernière victoire, il semble s'être laissé allé vers plus d'autoritarisme, plus de pro islamisme, toujours plus. Certains parlent de sa tentative annulée depuis, de rendre l'avortement illégal. Mes amis juristes me parlent de la nouvelle constitution en pleurant ( " clairement un projet pharaonique dont il sera le pharaon" ) (" il veut être le magnifique erdogan") , mes amis économistes sont jubilatoires quand ils se tiennent à sa performance économique stricto sensu. Mais ils doutent tous. Tous, toute la frange politique de la droite nationaliste aux conservateurs commencent à se demander, mais à quoi il joue ? l'AKP règne en maître pour le moment, mais Erdogan pourrait perdre sa domination au sein de son propre parti si les choses ne se calment pas. Guillaume Perrier parle de la rivalité Gül Erdogan, une rivalité dont chaque turque vous parlera avec un clin d'oeil. La fin de la popularité d'Erdogan sera-t-elle le début du règne de Gül ? On verra.
Mais je vais trop loin trop vite n'est-ce pas ?Je reviens sur le système politique en Turquie dans un autre billet. Dés que possible.
Les syndicats se rencontrent à l'heure ou j'écris, certains appelleront à la grève générale, d'autres à une grève temporaire, d'autres (les pro AKP) ne diront rien. Si c'est la grève, c'est la perte de Tayyip. à bientôt.
N.L.