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Billet de blog 6 juin 2013

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Une manifestation à Ankara (la suite)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'ai lu le billet suivant; http://blogs.mediapart.fr/blog/jblanche/050613/une-manifestation-ankara . Je vous le recommande, c'est exactement ce qui se passe dans le centre. L'auteur de ce billet est toutefois resté jusqu'à 22h. J'aimerais parler de ce qui se passe après. 

 Je prendrais hier soir comme exemple. Hier soir, j'ai fait des allers-retours entre Kugulu park et Kizilay. Vers 20h, le premier nettoyage par les forces de l'ordre a eu lieu: http://www.youtube.com/watch?v=n8nVSDCFQa4. Un nettoyage de qualité hollywoodienne me direz-vous. Effectivement. Je n'étais pas là malheureusement, j'étais en train de revenir, quand j'ai vu des groupes entiers de policiers passer en courant dans la direction de Kizilay. Bien évidemment, je me suis dit que ça avait pété. Le temps que j'arrive, le square était nettoyé, vide, la seule différence avec la vie d'il y'a une semaine étant la présence de policiers à tous les coins de rue. 

Je passe par l'avenue principale et fais un tour, histoire de voir ce qui se passe. Les petites rues sur les côtés ont été nettoyées, et sont replètes de policiers aussi. Ils semblent très humains sous la pluie; je vois l'un d'entre eux se frotter les épaules pour se réchauffer, je vois un groupe de ses collègues entourer un stand de kebab, passant leurs commandes dans une cacophonie d'hommes affamés par l'effort physique que demande leur travail. La rue est vide, les gens filent vers chez eux, les manifestants ont été chassés. Avant de repartir vers kugulu park, je m'arrête dans starbucks pour regarder ce qui se passe dans les rues remplies de policiers: twitter est ma source d'information.

20h30; les choses semblent calmes autour de Kugulu park. Je remarche dans l'autre direction. Je croise d'autres manifestants, ils me disent que tout reste calme làbas, qu'ils vont vers kolej ou les choses continuent à chauffer. Je me déplace toujours vers Kugulu quand j'entends les cris habituels, caractéristiques de l'arrivée d'un TOMA. 21:10/15 Kugulu park, zone de tranquillité jusque là devient zone de combat. Mais je n'aime pas utiliser ce mot là. Le combat pour nous, c'est courir dans l'autre sens. Nous n'en sommes pas encore au niveau d'Istanbul où on utilise des ampoules remplies de peinture pour neutraliser les TOMA dans certains groupes extrêmes. Tunali Hilmi, longue avenue commerciale qui passe à côté de Kugulu park, est une ligne droite pour la fuite. Nous courons tous, en masse, vers les quelques intersections; le Toma s'arrête et ne poursuit pas, les ordres doivent être d'empêcher l'utilisation de Kugulu park. 

Tout le monde est sur son téléphone portable. Certains crient les nouvelles issues de Twitter "Bugday est gazée", "Un akrep fait des allers-retours sur Cinnah et balance du gaz à qui mieux mieux".  On monte une barricade. Il est 22h.  On recommence à chanter et à scander les slogans pendant que les clients des restaurants nous regardent un peu surpris. Les flammes de la barricade produisent une quantité de fumée telle que certains restaurateurs se plaignent aux manifestants.  Mais bon, sans le vouloir, les restaurants ferment. 

Agonie du trop d'information; kugulu est à 300- 400 mètres de ma position, couvert par 2 TOMA, et sur Twitter quelqu'un écrit " besoin d'un médecin à Tunali" . " Blessés sur Güniz" qui est une rue parallèle.Ceux qui savent ou peuvent aider y vont, les autres restent.

 Moment de silence, petites conversation entre divers groupes, on observe les flammes, on se perd un peu l'espace d'un instant. Je croise quelqu'un que je ne connaissais que de vue, un autre membre de ma gym. J'ai presque l'impression que la situation est normale. mais tout cela est trop calme. On sait qu'ils viendront vers minuit, que 23 heures est l'heure ou les policiers se repositionnent. La tension monte.

Twitter est une grande source d'informations, certains manifestants agissent en tant que centrale d'informations, ils scannent ce que les gens leur envoient et informent les différents groupes présents sur le terrain. Il est 23h30, je fais un tour du quartier pour voir ce qui se passe. Kugulu park toujours occupé, j'observe l'arrivée de transports de policiers non loin de l'avenue Kennedy, avec un Toma et ce que nous appelons un AKREP. J'avertis les groupes trainant autour de Tunali, je contacte l'un des "hub" twitter, je fais savoir que kennedy et tunali seront chauds sous peu. Je reste dans le coin. J'apprends par Twitter que Kolej est au centre d'une activité intense,(00h10) dés que les TOMAs auront fini là bas ils viendront chez nous. Beaucoup de manifestants commencent  à quitter la scène. On part ou on reste, il n'y a pas de pression, la peur est comprise, nous avons tous vu les mêmes images sur twitter ou facebook, nous savons que la police vise le corps quand elle lance ses grenades. Les obligations respectées. Je quitte ma barricade en disant que j'ai cours le lendemain matin, mes connaissances me souhaitent une bonne nuit .

Ma marche de retour à la maison est ponctuée par le klaxonnement de taxis tentant d'attirer mon attention. Je suis crevé, le stress et le déplacement toute la journée m'ont fatigués. Je tombe un peu dans la parano en marchant, les policiers étant omniprésents, j'ai l'impression qu'ils m'observent dés que je m'approche d'un groupe ou d'un TOMA. J'entrevois bahçelievler avec soulagement. Il est 1h30 du mat, twitter me dit que après 1h du mat, la police est intervenue de nouveau à Tunali. Je ne me sens pas coupable de ne pas avoir été là, j'y retourne dés demain.

La suite au prochain épisode.

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