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Billet de blog 21 juin 2013

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A Ankara, les rues se sont tues, mais leur silence gronde.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Si les dernières semaines avaient été caractérisées par une tension palpable dans la vie de tous les jours, l’absence de tension de ces 2 derniers jours laisse penser un retour à la normale. Mais qu’est-ce que la normale, après un weekend tel que celui que nous venons de vivre.

L’intensité des combats à Istanbul, et ce sont bien des combats, nous a choqué. On était sur le cul. Si le premier weekend de manifestations laissait paraître la possiblité d’une telle violence, seule la plus fertile des imaginations s’attendait à la brutalité de l’intervention des forces de l’ordre. La version officielle des faits laisse un peu à désirer, elle fait état d’une situation bien plus propre et moins glauque que ce qui semble vraiment s’être passé. 

Samedi, dans la journée, le premier ministre Erdogan a posé un ultimatum; avant dimanche au soir, le parc de Gezi devait être évacué. 1 heure après son ultimatum, les troupes, enfin la police, intervenait de la façon que nous avons vue. Dans le monde entier, consternation. à Ankara, les parents appellent leurs enfants, ils leur disent de revenir à la maison, les vieux parlent entre eux de ce qui s’était passé lors des derniers coups d’état. Les images des violences d’Istanbul sont sur toutes les lèvres. On a tous un ami, une connaissance, qui n’était pas loin de Gezi et qui nous a raconté un truc.

A ankara les choses furent plus calmes, on s’attendait à un déluge de gaz, à un tsunami de policiers, mais rien avant 1 heure du matin. A ankara, on parlait d’Istanbul, on parlait d’istanbul comme de deux façons: “ merde merde merde merde, C’est la fin, c’est le début de la fin, on va tomber en guerre civile, on va commencer l‘insurrection. “ L’autre façon est ce que je me complais à appeler; “ Le syndrome de l’ankariote” , nous, les habitants d’ Ankara, nous nous sentons abandonnés par les médias, internationaux et nationaux. Les gens qui vont manifester, comme les gens qui discutent des évènements, ont l’impression de protester dans le vent, la résistance étant présentée en générale, enfin la seule résistance qui compte, étant celle d’istanbul. 

La consternation face à la violence policière était telle qu’elle n’a pas déclenché de mouvement de masse, mais plutôt la transformation que fut le Duran Adam. L’homme à l’arrêt a transformé le mouvement, il marque selon moi la transition vers une opposition moins nerveuse, plus intelligente et adaptable. En effet, si le premier ministre insiste dans sa création d’une situation bipolaire, les “pour lui” d’un côté , et les “ traîtres/ terroristes/ maraudeurs/ “ et autres personnes que l’on peut inclure dans un groupe qui sont plus simplements les “ critiques”, les “anti-erdogan” donc.

Le duran adam  ( l'homme debout voir; http://www.huffingtonpost.fr/2013/06/18/homme-immobile-debout-duran-adam-turquie-contestation-taksim-gezi_n_3457569.html) est pour moi l’impératif besoin d’évolution dont avait le mouvement. Et il est impressionant en lui-même. Voir des centaines de gens à l’arrêt en une journée, le long de la route, ça marque les esprits, on sait pourquoi ils le font. Malheureusement, Erdogan s’en amuse, en déclarant que si “eux s’arrêtent, nous continuons à avancer”. Et c’est bien là le problème: Si il avance, c’est en laissant une trop grosse proportion de la population turque derrière lui, une trop grosse proportion de droits et libertés bafouées. Son argument d’avoir le soutien des “ 50 pourcent” montre bien qu’il oublie ce qu’on apprend tôt en science politique; si il est vrai qu’il a le soutien de 50 pourcent, c’est 50 pourcent des votants dont il a le soutien. 50 pourcent des personnes ayant fait le déplacement jusqu’aux urnes, et non pas 50 pourcent de la population turque. Les personnes qu’il oublie, la majorité silencieuse si j’ose dire, pourraient très bien se retourner contre lui.

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