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Billet de blog 4 août 2011

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Cinéma: miss Bolly

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'ai découvert ce cinéma par hasard, n'étant pas véritablement passionnée par l'Inde et ayant sans doute des préjugés sans savoir d'ailleurs d'où, car quand un ami m'a prêté le premier DVD , je l'ai soigneusement rangé sous une pile et oublié plus de trois semaines..

Kitsh, cucul, eau de rose sont souvent des étiquettes qui renvoient à cette industrie cinématographique ..

En regardant la jaquette et en lisant le résumé , c'est d'ailleurs ce que j'ai pensé et c'est sans doute pour cela que je l'ai oublié ..

Mais je n'ai pas osé le rendre sans le visionner , aussi prenant mon courage, et dans l'intention de le rendre au plus tôt, je me suis installée et ...

j'ai été subjuguée ! Complétement transportée dans une esthétique outrageusement colorée, qui me faisait rire ou sourire et pourtant .. je suivais les personnages et j'alternais des moments de rires, de larmes , d'étonnements surtout de rire et de pleurer si facilement ; de joie pure en visionnant certaines danses; étonnement aussi devant les relations proposées entre les personnages et stupéfaction de réaliser que plus de deux heures s'étaient passées sans que je m'en rende compte et déception que cela se termine ... Du coup, j'ai mis plus de trois semaines pour rendre ce DVD ayant peur de ne pouvoir me procurer un autre et de ne plus connaître un tel moment de réjouissance ..

Coup de chance, des promotions m'ont permis de m'en procurer une petite dizaine d'un coup , sans m'attarder cette fois-ci ni sur les jaquettes et ni sur les résumés..

Et l'étonnement n'a pas cessé car plus j'en visionnais, moins je pouvais définir ce cinéma que je découvrais , comme si il ne pouvait pas se réduire à une définition formelle : ce qui était certain, c'est qu'il proposait un autre format, une autre esthétique, un autre rapport au monde , une vision idéelle qui lui est propre et que finalement sa complexité était celle d'un sous-continent qui l'est tout autant complexe .

Ce qui est certain pour l'ensemble , c'est que c'est du cinéma au sens littéral, un spectacle visuel autant qu'auditif destiné à un public de salle, à un format grand écran et non au petit écran; un spectacle convivial et non intime aussi à l'origine , même si ce n'est plus toujours le cas .

Il se rapproche d'une certaine manière de ce que fut Hollywood à une certaine époque mais malgré tout il s'en distingue , parce que le public n'est pas le même ni les créateurs .

Il est souvent décrié parce qu'industriel et populaire et ceci , je l'ai remarqué pas seulement par les occidentaux mais par de nombreux intellectuels indiens qui le critiquent sans aller le voir, mais qui se basent sur quelques films qu'ils sont allés voir presque "contraints et forcés" et souvent en se faisant violence , sauf que .. il n'en reste pas moins que le cinéma est toujours le média le plus apprécié des spectateurs indiens et le plus prolixe , même si celui de langue hindi, appelé "bollywood" en référence à Bombay , est supplanté en terme de productions par d'autres villes , notamment celle de Chennai, ex Madras en langue tamoule .

Les occidentaux connaissent le "bollywood" , du moins de nom parce que c'est un cinéma qui depuis 20 ans a ciblé le public de la diaspora , les NRI, en plus du public du sous-continent et que de fait il s'est progressivement implanté "oversea" aux U.S.A, en Grande Bretagne mais aussi en Australie, Nouvelle Zélande etc .. et a dépassé la diffusion qui existait d'ailleurs déjà à l'étranger , dans les ex pays de l'Est dès le début des années 50, quand l'Inde nouvelle et d'orientation socialiste s'est tournée vers ce type de partenariat, mais aussi dans les pays musulmans en règle générale parce que ..

Correspondant au Nord de l'Inde, dans une partie où la population musulmanne et sa culture ont été plus présentes et le sont toujours malgré la partition , mais aussi les traditions sont malgré très proches de la globalité du Nord , y compris le Pakistan, avec un état comme celui du Penjab, divisé sur les deux pays par exemple .C'est une des particularité du cinéma de Mumbai où plus de 40% de ceux qui y travaillent sont musulmans, ce qui entraîne un cinéma multiculturaliste , même si dans un premier temps par exemple, les acteurs d'origine musulmanne "hindouisaient" leur nom , ce qui n'est plus le cas actuellement .

Multiculturaliste car s'y mêlent la culture théâtrale parsi, bien entendu les textes littéraires hindous, mais aussi les traditions musulmannes littéraires, arabo-persanne, sans compter les différentes danses et musiques de chacune de ses cultures mais aussi des cultures des différents états comme le Penjab déjà cité, mais aussi le Rajastan par exemple .

S'y rajoute maintenant ce que l'on appelle la culture "NRI" et par ce biais l'Occident .

La particularité du cinéma hindi est d'avoir véhiculé une vision syncrétique de ces différentes cultures et religions afin de toucher l'ensemble du public. Malgré tout maintenant il cible en gros trois type de publics : la population dans son ensemble urbaine, et villageoise, même si celle-ci a été parfois oubliée tout en restant importante; les populations de la classe moyenne dite urbaine qui s'est développée depuis 20 ans et les NRI .

La différence est dans les thèmes abordés, le traitement des thèmes à la fois d'un point vue formel et de fond : ainsi le public des NRI a une connaissance cinématographique autre et s'est habitué à d'autres formats , mais surtout ne vit plus de la même manière .Un exemple signifiant : 20% seulement des mariages dans les populations NRI sont arrangés contre 80% de mariages arrangés en Inde .Ce qui éclaire notamment sur le traitement fait des histoires amoureuses qui souvent déroutent les spectateurs occidentaux car cela leur semble "anachronique" voire désuet , alors que c'est toujours un enjeu de taille.

Ainsi on dénombre pour seulement trois des états du Nord plus de 600 crimes d'honneur, dont un récent où un jeune couple de 20 ans issu de castes différentes , s'est absenté afin de se marier et à leur retour , la famille et la caste de la mariée les attendaient et les ont lapidés à mort.

Les relations humaines et le rapport à la violence sont très différents de l'image de l'Inde souvent véhiculés, parfois par des intellectuels indiens qui plus est : la récente marche des "femmes indignées" - et non des "salopes" jugé trop vulgaire comme terme- à New-Delhi protestant contre le fait que plus de 500 viols déclarés ont lieu dans la capitale où il est pratiquement impossible pour une femme seule de sortir , fait état d'un exemple de deux jeunes femmes en taxi , dont le véhicule a été stoppé par des jeunes gens afin de les molester et plus..

Il y a donc un problème sexiste important de violences faites aux femmes mais aussi de violences dues à la corruption politique; du communautarisme utilisé aussi en politique et des violences que cela entraîne .

Un des messages idéologiques qui a marché fut celui de dire que les musulmans étaient violents de nature parce que carnivores; cette propagande a entraîné entre autre un pogrom de plus de 2000 morts parmi la population musulmanne au Gudjerat état où les hindous sont en majorité végétariens et les participants n'étaient pas seulement issu du peuple mais aussi des populations aisées et cultivées .

Ces différents thèmes et points parcourent le cinéma hindi , même si celui-ci est moins politisé que celui de Madras et avec une dimension moins sociale que celle qu'il a eu à ses débuts.

C'est une industrie du spectacle qui ne se présente pas autrement mais qui reste illustrative d'un monde complexe , autre et différent donc par essence .

Si Slumdog millionaire fut un succès international, il est pour moi un "coup de Traffalgar" par rapport à ce cinéma de qualité ,même si dans la multitude , il y a à boire et à manger , donnant à voir une image convenue de l'Inde et toujours "récompensée" à propos de sujet sur les "slums" comme dans Salaam Bombay , sans que ce film soit indien , ce qui n'était pas le cas pour le premier .

Même si la représentation est celle d'une Inde "idéelle" parfois, au moins il s'agit d'une représentation indienne et qui illustre sa "psyché" et non celle des occidentaux .Et tant mieux si cela demande une "adaptation" à des codes et à un contenu inhabituels .

Progressivement, je vous propose de le découvrir sur mon blog , à travers mes choix et ma propre subjectivité .

Je l'apprécie aussi pour conclure parce qu'il est souvent dans un rapport extrêmement rejouïssant face à la vie , ce qui pourrait paraître paradoxal , mais pas tant que cela , parce que le cynisme par exemple est souvent une posture difficile à avoir quand on n'est que dans la survie , ce qui reste malgré tout le cas d'une très grande partie du public indien .

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