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Billet de blog 18 septembre 2011

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Skakespeare et Bollywood

Le livre de Roger Chartier aurait pu être illustré par un exemple contemporain, le cinéma de Bollywood afin de comprendre non seulement la démarche de création de l'époque, mais aussi le peu de cas fait aux textes, le système de production en vigueur et aussi le public visé.

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Le livre de Roger Chartier aurait pu être illustré par un exemple contemporain, le cinéma de Bollywood afin de comprendre non seulement la démarche de création de l'époque, mais aussi le peu de cas fait aux textes, le système de production en vigueur et aussi le public visé.

Une comparaison qui peut être éclairante ,surtout pour des Français qui se sont complément éloignés de ce processus autant pour le statut du créateur et de son oeuvre , mais aussi par les contraintes artistiques qui se sont imposées au public français , que par le public justement français et ses attentes.

Le fait est que Shakespeare est avant tout un écrivain de théâtre , donc au service d'un art du spectacle et d'un spectacle qui était celui qui touchait l'ensemble de la société londonienne de son époque , un public de masse car le tarif était très faible, des productions qui dépendaient des "producteurs" de l'époque , dont le but était de rentabiliser leurs spectacles et soumis à la réception et à l'attente du public, écrits en partie pour des têtes d'affiche !

Rien à voir avec le statut que la postérité lui a donné, ainsi que les universitaires qui l'étudient .

Beaucoup plus par contre avec ce qu'a été la production indienne de cinéma de ses débuts à ce qu'elle est encore actuellement .

Un des reproches d'ailleurs au sujet de Shakespeare, c'est son utilisation d'une langue métaphorique qui rendrait incompréhensible pour certains son texte actuellement et surtout une langue qui s'éloigne d'un réalisme attendu par un ensemble .

Reproche aussi au cinéma de Bollywood par les intellectuels, certains, et une partie du nouveau public que représentent les classes moyennes, de plus en plus en contact avec le cinéma occidental : c'est une représentation trop métaphorique de la société , pour qu'elle soit crédible .

Tout de même Shakespeare c'est autre chose ? non !

Le langage utilisé montre un appauvrissement du langage métaphorique par les contemporains, mais à un degré autre, tout autant de la valeur symbolique de ce qui est proposé par le terrain de plus en plus envahissant d'un langage "logique" articulant le rapport au monde surtout dans le domaine de la raison, et par extension du réalisme :ce qui est devenu une norme malgré tout, c'est ce que l'on appelle le premier degré ou le sens littéral ,car quand ce n'est plus le cas, "on intellectualise" , or le public de Shakespeare autant que celui du cinéma indien nétait pas et n'est composé d'intellectuels !

Donc Shakespeare , Bollywood même combat !

Même démarche de proposer un spectacle globalisant et pas du tout générique : il faut de tout et que cela touche tout le monde et dans un temps presque identique de durée du spectacle !

Actions, donc scènes de combat; drames humains, allant jusqu'au tragique ; humour ; émotions mais aussi des costumes splendides et mettre en scène plutôt les grands de ce monde plutôt que le petit peuple ,mais ne pas l'oublier non plus, pas seulement histoire de rêver mais aussi pour en montrer la cruauté ,sans se priver de l'accentuer avec une vision idéelle ,même si la démarche shakespearienne semble plus sombre que celle proposée par bollywood dans son traitement ; ce n'est pas toujours le cas et les chansons ne sont pas non plus absentes ..

Produire beaucoup, suppose de piquer de partout et de se réapproprier ce qui existe déjà , voire ce qui a déjà existé: nulle pudeur à ce sujet ,car la sacralisation de l'oeuvre, c'est son succès au box office et seulement celle-là !L'écrivain ou le scénariste autant que le metteur en scène a certes un statut d'artiste , mais dans un cadre très précis , et l'estime est la consécration plus que ses droits !

Le public ne cherche pas l'originalité à tout prix, et n'est pas déstabilisé par la répétition des effets, ni la récurrence, pourtant il distingue une oeuvre d'une autre à des détails qui trouvent un écho dans son propre ressenti .

comme le Juliette et Roméo , dont une des idées de Shalespeare fut de rajeunir Juliette , donnant au discours de celle-ci des accents de "réel" quand à cette découverte de son propre désir , d'une sexualité consciente, propre à cet âge de maturité sexuelle par exemple .

Il ne s'agit pas d'ailleurs seulement de faire des "remake" , on peut aller jusqu'à un ensemble de "collages" dont l'ensemble peut être un ratage complet ou au contraire une oeuvre complètement aboutie, et donc originale .

Bien entendu que le créateur n'a sûrement pas la maîtrise des effets produits, il travaille surtout une "intuition" des attentes, voire de l'effet produit , parfois en fonction des interprètes justement .

Les textes de Shakespeare sont difficiles à trouver autant que les bobines d'un cinéma qui jusqu'à présent ne s'est pas préoccupé d'archiver , de restaurer et encore moins de mettre en valeur ce qui pour lui n'avait pas de valeur de patrimoine , quand bien même certains succès ont valeur de références ,comme Sholay, Dilwale Dulinania le jayenge ou Mughal e azam et j'en passe, l'idée n'avait pas traversé l'esprit d'en faire des "classiques", sacralisés dans leur statut par la forme , comme cela se pratique en Occident , ou au Japon, pour les raisons invoquées précedemment .

Ce qui est aussi certain ,c'est que le théâtre de Shakespeare n'aurait pas pu être crée dans le contexte actuel occidental des droits de l'auteur autant que par l'attente d'une oeuvre originale et le cinéma indien ne serait pas celui qu'il est .

Ce qui pose malgré tout des questions sur ces points en termes de création .

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