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Billet de blog 28 août 2011

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"ces gens-là" et leurs enfants

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce billet reprend en partie des réponses à mme Gryson .

Dans un premier temps, sur le paradoxe des acquittés et le fait des charges maintenues pour 12 des enfants :

L'erreur est dans le système judiciaire , notamment pour les jurés des assises qui ne sont pas indépendants, contrairement aux U.SA par exemple et les juges d'ailleurs ne le sont pas non plus, et encore plus les procureurs donc on est dans un système qui est à la limite de la démocratie du fait de l'absence de séparation des pouvoirs .

Ainsi les jurés sont confrontés à une parole qui fait autorité sur eux et en France, cela devient facilement, une parole qui a autorité sur les personnes. De plus l'accumulation des charges même les plus délirantes maintenues rendaient inaudibles et incompréhensibles le dossier du fait de l'instruction: une deuxième instruction du coup a de nouveau eu lieu en cours de procès, dans une confusion bien entendu rendant difficile à intégrer les nouvelles données .

Cela tient aussi au système judiciaire dans la forme de l'appel qui ne remet pas en cause les jugements rendus même si ils se trouvent en complète contradiction .Or quatre personnes n'ayant pas fait appel, les charges même démontrées comme fausses sont restées .

L'incohérence de notre système judiciaire était alors démontrée sans que personne , à un niveau politique, estime qu'il soit nécessaire de le changer et surtout en ce qui concerne par exemple les droits des enfants, sans que l'on s'étonne d'un jugement incohérent et de ses conséquences pour la reconstruction des enfants .

Rien que cela mais d'autres éléments démontrent que l'intérêt des enfants n'a jamais été la préoccupation de la justice dans l'affaire dite d'Outreau , mais plutôt un effet d'annonce à la hauteur de la condamnation par la commission européenne des droits de l'enfant à laquelle je faisais référence dans mon échange , sur le fait que l'enfant était soit sacralisé en tant que victime , soit dans un rapport d'autoritarisme .

Ce que l'on pouvait d'ailleurs constater dans le cas de cette affaire où parfois on pouvait même arriver au pire ,c'est à dire l'alternance de ces deux postures et donc par ce rapport contradictoire à la destructuration de l'enfant .

Là non plus, il n'y a eu aucune remise en question des différents intervenants de l'affaire dite d'Outreau ;ce qui dénote un profond mépris pour les enfants, qui plus est des enfants confiés à des services publics .Et ce qui démontre une fois de plus combien "l'intérêt de ces enfants" n'était pas le principal intérêt . Ce qui n'a pas été le cas à Chartres par exemple , où les associations de défense ont dénoncé les pratiques qui mettaient en danger les enfants .

Tout est resté à l'identique : les mêmes préjugés, les mêmes intimes convictions, les mêmes représentations fussent-elles les plus délirantes ont eu force loi , face aux enfants confiés, peu importe les jugements rendus pour "ces gens-là" .

Mme Gryson a fourni des chiffres montrant que la parole des enfants en France n'était pas sacralisée puisque seuls 30% des signalements arrivent en justice et seulement 10 % à une condamnation.Et voici ma réponse:

Ces chiffres renvoient à votre conception de la parole sacralisée qui voudrait qu'il y adéquation entre les chiffres de la parole des enfants et de la condamnation et fort heureusement ce n'est pas le cas .

Cela a été le cas dans l'instruction en ce qui concerne l'affaire dite d'Outreau .

Par contre le rapport de la commission européenne renvoie à la manière de traiter les enfants soit en les sacralisant en tant que victimes - mais pas seulement d'abus sexuels; soit en faisant preuve d'autoristarisme ; soit les deux d'ailleurs en alternance . Effectivement ,c'est le cas : d'ailleurs tous les discours publiques vont dans ce sens et c'est aussi dû en partie à une formation déplorable face au monde de l'enfance et de l'adolescence .Ce que révélait l'affaire dite d'Outreau mais aussi dans presque le même temps l'affaire de Chartres. Ce que révèle aussi les mesures actuelles .

Cette absence de formation des personnels explique d'ailleurs en partie la difficulté pour les enfants de s'exprimer .

Que vaut d'ailleurs la parole d'un enfant si vous ne parlez pas sa langue ?C'est le premier déni qui existe ,tout comme pour un adulte .

La France depuis longtemps met en place un personnel ayant un niveau de langue courant , voire soutenu incompréhensible pour des tas d'enfants étant donné l'écart social et fait comme si de rien n'était , comme si une compréhension commune existait .Apprendre sa langue et après lui parler , serait une étape intéréssante, même si cette langue est ce que l'on appelle un patois .

Et c'était le cas à Outreau où "ces gens-là" ne parlent pas français entre eux ni avec leurs enfants , mais le boulonnais , un patois , à l'exception des notables qui ont été par dommage collatéraux impliqués .Le français est la langue "officielle" , celle de la scolarité, mais pour beaucoup cette scolarité était celle de l'échec parce que justement leur langue vernaculaire n'est pas celle-là .

Il faut savoir qu'en Normandie des expériences ont été faites à partir du patois suite à l'échec scolaire important .C'est d'ailleurs aussi en Finlande la pédagogie choisie qui consiste non pas à nier la langue maternelle, mais de passer par elle aussi lors des apprentissages.

Ce patois ressemble à celui qu'utilise Maupassant dans ces contes réalistes et le "carogne" de Molière s'y trouve aussi !

Ainsi l'incompréhension était terrible par rapport au langage de l'instruction, mais en fait aussi pour une grande partie des enfants mais qui contrairement aux adultes peuvent par mimétisme "intégrer le discours de l'adulte" sans même le comprendre et c'est bluffant !Mais si vous leurs demander ce que veulent dire les mots, ils n'en savent rien .

Certains peuvent demander à d'autres enfants ce que cela veut dire : ainsi les charges de prostitution reprises par les enfants .Quand une des enfants en parle, cela devient : mes parent me maquillaient et me mettaient dans le rue ... Bien entendu cette représentation de la prostituée n'a rien à voir avec les charges, mais avec les mots oui .

Le niveau de langue est aussi révélateur d'un discours intégré.

Tout cela renvoie à l'absurdité d'une justice qui devient uniquement un système de pouvoir et d'abus de pouvoir par le langage .

C'est une des premières violences , un des harcèlements vis à vis duquel on cède très vite ,car cela révèle que vous ne pouvez pas vous défendre et ceci d'autant plus que l'avocat qui vous représente parle lui aussi une autre langue et si rien en lui indique qu'il vous croie innocent , vous êtes seul(e) et dans l'isolement .

Que dire alors pour un enfant qui subit le même harcèlement afin "d'accuser "?

Ensuite je suis partie de la "souffrance" qui revient sans cesse dans le discours de mme Gryson , mais sans qu'elle reprenne les faits qui sont censés être à l'origine de cette souffrance des enfants .

Vous partez de la souffrance ,soit mais quelle souffrance ?

Il y a chez certains enfants une intelligence d'être qui ne s'exprime pas ou peu par la parole puisque sa maîtrise du langage est imparfaite ,mais par une parfaite maîtrise du registre émotionel et de l'affect ;elle existe aussi chez les personnes n'ayant pas accès au langage: ils n'entendent pas ce que l'adulte dit au sens de comprendre, mais bien ce qu'il exprime émotionellement ,ce qui n'est d'ailleurs pas obligatoirement l'objet du discours et il sait alors répondre aux attentes .Mais il se fait piéger parce qu'il en fait "trop" tout comme l'adulte dans ce cas de figure .C'est souvent sa limite, ce sens du discernement.

Prenez mme N'Diallo qui a su exprimer une souffrance de viol non vécu face à des proffessionnels de l'agression sexuelle :or cette femme est analphabète, étrangère .

Ce qui a déstabilisé tout le monde ,même son avocat, c'est le pourquoi de cette souffrance "jouée" qui l'a en fait décrédibilisée .

Plusieurs options sont possibles , mais cela peut être "faire plaisir" en étant une victime encore plus légitime à ceux qui devaient la défendre autant que penser ainsi légitimer son statut de victime dans son seul intérêt .Mais elle vient aussi d'une culture orale où l'émotionnel s'exprime et exprime et joue comme dynamique de conviction plus que le discours argumenté .

" faire plaisir " est revenu parfois face au juge d'instruction .

C'est "trop" et cela sera toujours "trop" dans une culture basée sur le raisonnement logique et la répression de l'émotion .

Cela peut n'avoir aucun lien avec une souffrance factuelle , mais la capacité à se jouer des émotions existe autant que de se perdre dans ce jeu .

L'autre déni est celui d'une souffrance réelle sociale qui n'est pas justiciable mais un fait de société qui implique le "nous" . La facilité à minimiser cette souffrance fait qu'elle se déplace ailleurs pour son expression , puisqu'elle est constamment niée ,voire jugée ,voire condamnée et elle se déplace là où ceux qui font autorité sont prêts à l'entendre .Et ainsi vous pouvez être reconnu et non rejetté .

Les symptômes sont ceux de victimes puisque se sont des victimes .

Tout comme en médecine si l'on part des symptômes , on ne cherche pas ou peu la cause, car les symptômes sont les mêmes pour des origines diverses : la tendance au fatalisme par exemple est un des symptômes de cette souffrance sociale, d'ailleurs reprise par le Président lors de sa campagne électorale, "c'est la faute à pas de chance" .

Ce fatalisme existe très tôt et s'exprime par un désinvestissement , autant que pas une dévalorisation de soi-même .

L'univers clôt décrit comme un univers de maltraitance est celui du quotidien social et le criminaliser revient à faire de la pauvreté un délit .

Facile d'opposer à ce monde , celui des services sociaux organisant des activités, des sorties .

Cette région est celle qui a le moins d'inscription à la préfecture pour les cartes grises !Une voiture est un signe extérieure de richesse , mais elle roule parfois moins d'une semaine par mois faute d'argent pour y mettre du carburant ! Tout comme les portables, qui fonctionnent à peu près autant , un peu plus en mode sms et autrement sur lesquels on joue en attendant de pouvoir payer la recharge . Quand ils ne fonctionnent plus du tout faute de pouvoir payer le forfait ou l'assurance de la voiture .

D'où l'utilisation du taxi , lors du versement des aides pour aller faire le plein au discount des produits de première nécessité et ensuite de s'octroyer le pouvoir d'achat dans le temple de la consommation que représente l'hypermarché ! Un mois d'attente à consulter les publicités papier qui renvoient à ce monde télévisuel qui ne parle pas de vous, mais offre l'image de ce que tout le monde semble vivre . Parfois grâce au crédit vous n'attendez pas mais les huissiers ne sont jamais loin lors des surdendettements et franchement , c'est facile avec peu voire rien comme revenus, d'être dans le rouge .

On a parlé du physique : mais rien à voir avec les chips et les sodas consommés devant la télé , même cela ça ne fait pas une semaine .

Au discount il y a la nourriture qui tient le corps et se conserve mais à la fin c'est "la soupe cailloux" comme dans le conte et surtout on mange "à la baguette ", la moins chère, celle de supermarché trempée dans le café au lait !

Pourquoi sont-elles si grosses, si gros ? Gonflé(e)s du manque, par le vide , par la frustration, par une absence d'expression, par une non-existence puisque toujours en attente ,et vivant dans un no man's land puisqu'ils ne sont pas visibles dans les médias autant que par l'eau, les graisses, et sel de la nourriture , parce que le Mac do , c'est le moment exceptionnel et pas le quotidien , c'est hors de prix !

Ou maigres et les traits marqués .

Nous sommes dans la misère urbaine pas celle rurale où on peut un peu vivre en autarcie,se projeter ne serait-ce que dans les légumes qui poussent ..

Mais ils ont tout le confort ;et pas seulement grâce à une économie illicite , oui il existe des lotos où certaines ou certains gagnent tout l'équipement, c'est aussi un système parallèle, des vides-greniers et les vendanges pour d'autres si la concurrence avec les émigrés est encore possible et bien entendu ce crédit si tentateur ..

Certains ont pour origine ceux que l'on a appelés "les forçats de la mer" qui travaillaient sur les bateaux usine de pêche dans des conditions telles que leur endurance à la souffrance étaient leur condition de survie et d'embauche et leurs femmes dans les usines de poissons , mais voilà Boulogne n'est plus le premier port de pêche et des "forçats" que l'on peut payer moins cher , on en a trouvé ailleurs .

Oui, tout est rude le langage, les gestes et bien sûr condamné par la population témoin qui au moindre haussement de ton se sent agressée, et au nom de la morale, on leur demande des comptes à ces gens-là, de changer de comportement .

On s'en fichait alors qu'ils soient rudes puisqu'on en avait une utilité , mais ensuite quelle transition ?

C'est le nom d'un de leur quartier , des barres pour loger les émigrés qui ont participé à la reconstruction de Boulogne,des logements de transition qui sont toujours là et pas obligatoirement peuplés d'étrangers , mais une transition d'une telle durée donne l'état de délabrement au sens propre et figuré .

On a passé sous silence ,comme toujours, que ce quart monde n'est pas peuplé que de "hordes de basanés ou de couleur" , les seuls qui semblent peupler pour les médias les cités, les seuls qui posent problèmes et il n'ont aucune représentation et s'identifient comme les autres "au nec plus ultra des banlieues" , celles qui sont américaines , un peu du rêve des plus puissants, même au plus bas de l'échelle sociale .

Et on a oublié cette phrase de Geneviève de Gaulle pour ce quart monde :"se lever le matin est pour certains et certaines , un acte d'héroisme"

Oui, ne pas se lever, ne plus s'entretenir comme dit la classe moyenne, même si on a des enfants , parce que l'on n'est pas obligatoirement héroique , même si certains et certaines le sont et leur intérieur ainsi que leurs enfants d'une propreté exemplaire , l'expression d'une dignité qui semble sans valeur pour ces classes moyennes qui se vivent en terme d'épanouissement de soi , de leurs enfants etc ..

Un déni de la souffrance qui va jusqu'au déni de leur existence pour aboutir au délit , à leur criminalisation puisque comme de bien entendu se sont des êtres déviants et ceci depuis plus de deux siècles ..

Très facilement sous l'ère victorienne, de l'autre côté de la Manche, on leur retirait leurs enfants, pour leur bien, pour qu'ils ne soient pas dévoyés , mais éduqués et donc capables de respect et de travail grâce à une autorité qui les encadrait .

C'est dans l'air ,comme dirait l'autre et encore plus facile si on en fait des criminels .

J'utilise ma "verve" non pas pour des victimes ou des coupables , mais pour que l'être ait droit à une reconnaisssance de sa personne ,enfant , femme ou homme dans le plus grand respect de son intégrité, qui passe par son langage, son être social, son être familial, son être culturel , son être affectif etc afin qu'il puisse se construire et non pour qu'on le détruise .

J'admire les norvégiens d'avoir une conscience commune de cela que l'on peut voir pratiquer dans leur réaction face à une tragédie multiple :je déplore depuis mon enfance la barbarie et l'archaisme dans mon propre pays à ce sujet .J'ai cru à une possible évolution , puisqu'enfant j'admirai dans les histoires venant de ce pays, le respect qu'il pouvait y avoir de l'enfance.

Et j'ai le regret d'avoir constaté lors de l'affaire dite d'Outreau combien l'archaisme est la norme dans le traitement des êtres ,enfants et adultes, et la barbarie toujours la pratique .

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