Mon corps est en manque de contact physique, de bras, de ressentis. Mon corps est en manque d’incarnation. Je m’en suis rendu compte pleinement vendredi dernier, quand je me suis fait des auto-massages et que j’ai senti ma peau nue sous mes mains. Il n’était pas question d’érotisme du tout, mais de contact uniquement. Toucher un être humain. Cet être humain fut-il « seulement » (ou justement) moi.
Rapidement après le début du confinement (et en dehors des temps « télétravailécoleàlamaisongestiondomestique »), j’ai mis en place des temps de prise en charge de mon corps : du yoga sur ma terrasse, de la boxe dans un coussin du canapé, ou de la danse sur des tubes des années 80 quasi tous les jours. Le faire bouger. Un bain ou une douche en conscience par-ci par-là. Le mettre à la lumière et au soleil. Le baigner de chaleur.
Une écoute spécifique de mon ventre aussi. Ai-je faim ou non ? vraiment ou pas ? L’alléger (ou au moins ne pas l’alourdir inutilement). Attention, soyons clair.e.s, j’ai déjà avalé 4 paquets de chips (les très gros) depuis le 17 mars. Je suis persuadée qu’une bonne régression peut être tout à fait profitable ! Mais j’essaye de trouver l’équilibre entre le fait de me faire du bien en régressant totalement et le fait de me faire du bien en diminuant mon bol alimentaire parfois.
Si je suis aussi attentive, c’est parce que je ressens profondément que mon corps souffre de ce qu’il vit. Mon corps est en manque. Des autres, de l’extérieur, des magasins, du cinéma, des spectacles vivants, et même de ma coiffeuse.
Si on m’avait parlé d’un tel scénario en début d’année, j’aurais su tout de suite que le cinéma et le spectacle vivant me manquerait terriblement. Je l’aurais su immédiatement. Je n’aurais jamais pensé par contre que ma coiffeuse ou les magasins de fringue me manqueraient. J'aime m'acheter des nouvelles fringues et je vais chez le.la coiffeur.se… mais que cela me manque, je ne l’aurais pas imaginer.
Or, je suis face à ce constat. Les magasins de fringues, ma coiffeuse et la possibilité de suivre un cours de sport « en vrai » me manque (la possibilité, hein ! pas nécessairement le faire d’en faire un).
Cela m’amène plusieurs réflexions :
- Manifestement parfois on « aime » et on a besoin (envie ?) de choses que l’on ne soupçonne pas soi-même, que l’on n’a pas identifié. Quand j’y pense, j’ai l’impression que nous pouvons tous être aux prises avec des dépendances invisibles, qui sont justement les plus « dangereuses », car comment se libérer de quelque chose que l’on ne voit pas ?
- Si j’ai envie de tout cela, ce n’est pas par rébellion, parce que ma liberté est « entravée », non, c’est vraiment mon corps. Mon corps a envie que je l’habille, que je le fasse beau, que j’embellisse ses cheveux. Or, mon corps est exigeant et il a bien raison. Il aime quand des professionnels s’occupent de lui, des personnes qui ont des compétences d’écoute de ses besoins et de conseil. Il aime être choyé et dorloté, entre des mains expertes qui sauront lui donner le meilleur.
- Puis-je manquer de quelque chose qui ne serait pas essentiel ? L’essence (au sens « énergie ») est bien un carburant, ce qui alimente le moteur. Si mon corps manque de quelque chose, c’est donc que quelque part, il est sous-alimenté, donc que ça lui est essentiel. Pourquoi, depuis le 17 mars, y aurait-il sur internet autant de tutos de sport divers et variés, de gestion de sa coupe de cheveux et de conseils pour se faire beau « malgré la crise » si justement, ce n’était pas essentiel ? Pourquoi, depuis la nuit des temps, les Humains chanteraient-ils et danseraient-ils, si cela ne « servait à rien » ?
- Si j’ai l’élan en ce moment de faire du bien à mon corps et que celui-ci soit beau, finalement ce n’est pas pour les autres mais uniquement pour moi. Pour mon estime (amour) de moi, ’ai envie de me trouver belle et douce (nous sommes d’accord, chacun ses critères de beauté & douceur). Même si personne ne me voit ou ne me touche. Et, dans le même temps, le fait que personne ne me voit, ne me touche ou ne respire le même air que moi, change TOUT.
Alors aujourd’hui, j’ai une énorme pensée pour ma masseuse, ma coiffeuse, les vendeur.ses de magasins de fringues et déco, tous les professionnel.les du sport, de la musique. Les artistes, comédien.nes, plasticien.nes, les professionnel.les du spectacle. Une énorme pensée aussi pour tous les gens qui partagent avec moi ces moments, sans même que je m'en rendre compte, mon voisin du salon de coiffure, les autres spectateurs...
Quand on sortira, mon corps et moi, on s’offrira (en conscience écologique et économique) un massage, un soin des pieds, une séance coiffure, des sessions de chant et de danse à gogo, des spectacles et du ciné…
Alors aujourd’hui, mon merveilleux corps confiné, je te rends hommage et je te remercie du fond du cœur. Merci de répondre présent. Merci de me parler. Merci de me montrer, maintenant que tu es seul, à quel point je suis un animal social à travers toi, ce que je n’avais pas complètement « vu ».
Merci enfin et surtout de me manifester à quel point tu es lié à mon esprit. Car si je te touche, si je cherche à prendre autant soin de toi, de l’intérieur ou de l’extérieur, sois-en certain, ce n’est pas seulement pour occuper ma journée, loin de là. Tu es l’essence même de mon être et t’accorder du temps et de l’intérêt me permet de maintenir mon équilibre psychique. Je t’aime. Et ça, c’est essentiel.