Nadia Tadil (avatar)

Nadia Tadil

Abonné·e de Mediapart

19 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 mars 2020

Nadia Tadil (avatar)

Nadia Tadil

Abonné·e de Mediapart

" Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés"

"Ceux qui courent, volent et nous vengent, tous ceux-là, et beaucoup d’autres, entraient fièrement à l’Elysée (...) Et puis ils parlent de leurs petites affaires, de leurs enfants, de leurs bronches ; le jour se lève, on tire les rideaux chez le Président. " Le silence assourdissant de l'Etat français face au cri d'alarme de ses ressortissants en Haïti.

Nadia Tadil (avatar)

Nadia Tadil

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dimanche 22 Mars. Soirée

  « Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l'une en l'autre, d'un mélange si universel qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en répondant : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi. » (Montaigne)

Merci à tous mes amis, de chair et de cœur, ici ou ailleurs, aux amis de mes amis, qui relaient notre désarroi moral, matériel, psychique. A tous ceux pour qui cela semble évident, logique, naturel, oui naturel, de ne pas nous abandonner à notre propre sort, de ne pas accepter l’inacceptable.

Aujourd’hui, c’est dimanche, jour de prières. 5 pasteurs ont été arrêtés pour n’avoir pas respecté l’interdiction de rassemblement.

Scène de rue devant une église fermée. Une masse de fidèles proteste. Ils veulent entrer, ils veulent prier, ils invoquent Dieu comme seul secours, expliquent qu’il n’y a rien d’autre à faire, il n’y a rien d’autre à faire…Et avec énergie, avec détermination, l’œil noir, le regard fiévreux, ils le crient à celui qui les interroge.

Comment croire que le confinement sera suivi quand les marchandes des rues n’ont pas d’autre moyen de vivre, de survivre, que de travailler. De sortir, côtoyer les autres. Pas de gestes barrières qui tiennent ici, la barrière est économique. Crever de faim confiné ou risqué d’être contaminé en gagnant son pain ?

Haïti est un immense marché informel.

« *+P 22.03.2019*

*5:15 PM*

*ALIMENTATION EN OXYGÈNE*

*HAÏTI Phase 2*

Épidémie Corona Virus - état d'urgence sanitaire

On nous signale la fermeture depuis 4 jours de *l’Usine GIH produisant de l’O2, située à Cité Soleil.* Cette fermeture est dû aux affrontements entre bandes armées rivales dans la zone.Cette situation risque de provoquer *une rupture de stock Oxygène* sous peu. Cet élément est essentiel selon les experts aux traitements de patients souffrant de troubles respiratoires, particulièrement ceux touchés par le *Covid-19* »

(message reçu à 17h cet après-midi)

4,5% du budget national est alloué à la santé en Haïti. 90% de ce budget est alloué aux personnels, déjà sous-payés.

Et les infrastructures hospitalières ? Et le matériel ? « Bas Peu de Choses »[1]

5,9 médecins pour 10 000 habitants quand la norme est de 25.  6,5 infirmières pour 10 000 habitants. « Bas Peu de Choses »

En Haïti, en France, les gouvernements ont oublié, dénigré, méprisé ce qui constitue l’homme : la santé, l’éducation et la culture. « Mens sana in corpore sano ».

L’humanisme a foutu le camp.

Un ami me racontait que les chauffeurs de taxi-moto qui acceptaient de transporter des « Blancs », des Français, étaient pris à partie par la population. Ils ont peur. Ils pensent que l’Histoire se répète. 1492, le souvenir des maladies importées par les Européens Christophe Colomb à leur tête est encore douloureux. 2010, quelques mois après le séisme, les casques bleus avaient importé le choléra.

 Tard ce soir, le Premier ministre haïtien a annoncé que 3 autres cas étaient avérés.

Rien sur le traçage de ces malades, les villes, lieux par lesquels ils sont passés, les personnes qu’ils ont pu infecter.

En Haïti, la trajectoire de ce virus semble plus capricieuse qu’ailleurs. On a l’impression qu’il joue à cache-cache. Depuis jeudi soir et la 1èreannonce, rien. Absolument rien.

Et certains de se rassurer en se disant qu’ici il ne se propagera pas avec la même vitesse, avec la même violence. Pourquoi ? « Parce qu’on est en Haïti ! »

Lundi 23 Mars. Journée

« L'amitié, c'est un nom sacré, une chose sainte. Elle ne peut exister qu'entre gens de bien. (…). Il ne peut y avoir d'amitié où se trouvent la cruauté, la déloyauté et l’injustice. Entre méchants, lorsqu'ils s’assemblent, c'est un complot, et non une société. Il ne s'entretiennent pas, mais s'entre-craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices. » (La Boétie)

12h20  : 6 cas officiellement avérés.

17h15 : à 200 mètres de chez moi, une ambulance bloque la route pour évacuer une personne infectée qui était placée en quarantaine. C'est un employé du MSPP (ministère de la santé et de la population) qui l'affirme.

L’Etat français n’est pas mon ami.

[1] « Bas Peu de Choses » est le nom d’un quartier de Port au Prince situé en bas de la ville

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.