Anonyme, inconnu, sans nom, sans papier, sans identité...
Sans espoir, sans vie.
J'ai défilé pour toi.
Pour toi que je ne connais pas
Pour toi qui avais vingt -neuf ans,
Avant
Avant qu'ils ne te traquent
Avant que tu ne craques
Avant.
Ils n'ont même pas daigné poser un nom sur toi
Ils n'ont même pas osé déposer un visage
Serais-tu à ce point divin que personne ne puisse te prononcer sous peine de blasphème?
Nom de dieu!
Le nom s'oppose à la chose.
Tu avais pour tout bagage une vie honorable effilée
Mais trop passable pour mériter d'être nominé
Sur le papier juste un entrefilet
Car on aime dans notre société les nominés
On organise de grandes cérémonies à plumes
On construit partout des mémoriaux où l'on promène sa conscience
On zoome sur des voleurs de lumière mais pas dans les coins
Uniquement sur nos hiers
Jamais sur l'instant.
Le présent est trop encombrant
Et puis on euphémise
Et puis on cache
Et puis on oublie
Toi tu étais dans l'ombre.
Sombre
Comment dit-on Adieu au Mali?
En France, maintenant, on dit immigré, étranger, clandestin.
Mais moi je te dis Adieu , je te dis ma honte, mon chagrin, ta dignité.
Pour toi je reconstruirai un arc de triomphe sous lequel je placerai une tombe
Celle de mon frère inconnu
Et j'entretiendrai une flamme
Celle des hommes
Celle de la dignité
Celle de la liberté.
Celle de l'espoir
Les lauriers fanent plus vite que les roses
Nadja
Blog de l'obs