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Billet de blog 9 octobre 2014

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Ma plus belle histoire de risque c'est vous..

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 « Précaution mortifère.Il n'y a pas de plus grand risque que celui de ne pas en prendre.Le risque zéro n'existe pas mais nous ne voulons pas l'admettre. Nous cherchons sans cesse des responsables et c'est bien la preuve de la non acceptation du risque. »

Gérald Bronner sociologue français auteur  de La démocratie des crédules et plus récemment de La planète des hommes, comment réenchanter le monde, PUF, était l’invité de Caroline Broué dans la grande table sur France Culture hier matin.

http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-avons-nous-tort-d-avoir-peur-2014-10-07

J’écoutais d’une oreille distraite entre deux tartines trempées dans  mon thé vert bio qui pourtant enchante mes petits matins. Je ne me suis pas risquée à couper la radio de peur de rater quelque chose d’essentiel : « la culture pense le monde, les idées nourrissent la culture »

 « Encore des nouilles ! » aurait dit Desproges s’il avait pu partager ce petit déjeuner avec moi et j’aurais volontiers approuvé la contrepèterie. Car nul doute que  l’indécrottable optimiste affiché qui  poursuit sa  quête héliocentrique d’un univers réenchanté où There is no alternative que de « fuir en avant » saura trouver des retombées médiatiques sonnantes et trébuchantes dans une France qui sonne l’hallali contre tout ce qui de près ou de loin s’apparente au  principe de précaution.

Un sentiment étrange à écouter cet homme  qui semble seul, pressé et tellement  angoissé par l’existence de  des  groupes, de ces  masses de croyants, d’incultes, de religieux , de radicaux parmi lesquels il place en vrac l’extrême gauche, l’extrême droite , les écologistes…. Un chercheur isolé( pléonasme) dans une vision macroscopique du monde forcément lacunaire qui l’amène à  parier exclusivement sur la science comme avenir de l’homme, une posture  des modernes éculée. Un démarche paradoxale qui évince le doute comme moteur du progrès et de la démocratie et revendique la prise de risque pour  mieux conjurer la peur.

 Chouette ! Le risque pour tous comme avenir de l’homme !? C’est juste oublier qu’une grande part de l’humanité connait le risque quotidien : la faim, la maladie, la guerre, la mort, la souffrance, le travail, l’incertitude des lendemains, la rue…  Je ne suis pas certaine que Gérald Bronner soit le bienvenu chez Emmaus, ni à Calais, ni  à Fukushima , ni en  Ukraine , ni en  Syrie où les progrès technologiques sont tels que les hommes assument la part de risque et où en effet, on tient davantage compte « des pertes que des bénéfices ». Chacun sera aussi  d’accord pour partager les bénéfices des prises de risque des laboratoires pharmaceutiques sur la vente des vaccins. Ou faut-il plutôt comprendre par le réenchantement du risque, le risque pour quelques-uns et non pas le risque en partage ?

Un rêve un peu déplacé, celui d’un trop jeune homme sans doute, pour avoir éprouvé une dimension essentielle du progrès celle du pari de l’intelligence humaine qui s’appuie sur le collectif et le partage. G.Bronner devrait orienter ses recherches vers les constellations partage et collectif. Il n’a semble-t-il qu’une connaissance lacunaire de la société civile, de l’inventivité,  des savoir et savoir-faire, des qualités d’expertise et de la part de risque qui irriguent l’économie sociale et solidaire, le tissu associatif et la société tout entière.

La pensée méthodique n’est nullement l’apanage des seuls scientifiques. Le marché scientifique n’est pas non plus le plus exigeant en matière d’information. Les scandales dans ce domaine sont légion (http://www.generations-futures.fr/pesticides/pesticides-des-evaluations-europeennes-incompletes/).

Il en oublie  également que la modernité pariait sur la circulation extraordinaire de la connaissance et des idées et non pas sur la seule étude de laboratoire des fonctions cérébrales. Sa vision emprunte quelque peu au totalitarisme qu’il redoute tant,  en ce qu’il considère l’homme en tant qu’entité d’une masse et non pas en tant qu’individu. Il n’a d’ailleurs pas su répondre à la journaliste qui lui demandait qui il pourrait emmener dans son univers réenchanté si la biodiversité disparaissait, ce qui témoigne d’un pessimisme mal assumé et  d’un manque d’imagination.

Une petite envie de lui souffler que le plus grand risque c’est d’abord l’aventure humaine et que la technologie ou la science en comparaison sont de petits joueurs.

Des erreurs d’appréciation qui ne seraient pas trop dramatiques si au- delà de ces considérations l’offensive à l’œuvre contre l’écologie n’avait pas aussi bonne presse.

Bref,  une furieuse envie de reprendre encore un peu de nouilles avec mon thé. Même pas peur !

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