Essayer de discerner les grands traits d'évolution scientifique et technologique de l'aviation civile à long terme, tel est l’enjeu de ce rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques adopté à l’unanimité par les députés et sénateurs en juin 2013. Un rapport très intéressant qu’il convient de lire attentivement au vu du contexte des restructurations d’EADS et de la perspective de construction de l’aéroport de Notre-Dame Des Landes.
Un objectif annoncé, préserver l’avance de la France et de l’Europe dans ce domaine et obtenir le maintien des soutiens publics (actuellement 400 millions d’euros sur 6 ans, ce qui est trop peu aux yeux des rapporteurs) tout en soulignant que la viabilité de la filière nécessite de forts financements publics pour être rentable tant les marges nettes sont très faibles compte tenu des investissements considérables de ce secteur.
C’est en effet la fragilité du secteur de l’aviation civile qui ressort davantage à la lecture de ce rapport qui pointe la difficulté à avoir une lisibilité au-delà de 2030 et l’émergence de difficultés à assurer la croissance du trafic saturé par un ralentissement de la croissance en Europe , l’augmentation du prix des carburants, la concurrence des lignes ferroviaires, les limites du remplacement par les biocarburants même de deuxième ou troisième génération en dehors de fortes subventions publiques et l’impossibilité d’utilisation des renouvelables terrestres, la vulnérabilité des grandes compagnies de pavillon concurrencées par les compagnies low cost, les difficultés à réduire les émissions de GES …
Mais ce qu’on y découvre c’est aussi le lancement d’un programme de contrôle aérien commun par l’Union européenne, SESAR qui sera déployé à partir de 2014, projet d’harmonisation avec les EU d’autant plus nécessaire que l’avenir de l’aviation civile semble s’articuler autour de la capacité d’accueil des drones civils ( 60% EU/ 10% Europe)dont la progression très rapide est perçue comme le secteur d’avenir. La NASA recherche actuellement comment intégrer leur circulation à l’espace aérien civil en tenant compte des risques de collision, d’où la recherche d’espaces très ségrégués pour les accueillir. La recherche dans ce domaine est éligible au grand emprunt comme le souligne le rapport.
Les contradictions flagrantes entre un modèle de développement durable et les solutions politiques proposées par ses rapporteurs ressortent de ce rapport. Il est sidérant de constater que dans un contexte de crise économique majeure des fonds publics européens et nationaux sont consacrés à perte dans un secteur à risques financiers et environnementaux considérables( article Le Monde 10 déc 2013 : La restructuration des activités spatiales et de défense EADS touche surtout l’Allemagne.)Les rapporteurs font d'ailleurs le parallèle entre ce secteur et celui du nucléaire en justifiant les besoins considérables d'investissement et de fonds publics... La France a pris des engagements majeurs en matière environnementale quant à la réduction des GES. Elle doit s’y tenir!
In fine, ce rapport plaide malgré lui en faveur de l’abandon du projet d’aéroport de Notre Dame Des Landes puiqu'il minimise les nuisances sonores à venir en raison des progrès technologiques.
A lire, l’intervention de Corinne BOUCHOUX, sénatrice EELV lors du débat au sénat le 3 décembre.
« Mme Corinne Bouchoux. Certes, mais pas ce cas d’espèce.
Ainsi, cette nuisance empêcherait le bon développement de Nantes et du sud de sa métropole. Or, les avions étant de moins en moins bruyants, nous considérons que l’argument de la nuisance sonore ne peut être utilisé comme prétexte pour justifier le déplacement de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes.
D’ailleurs, plusieurs plans d’exposition au bruit prévisionnels, réalisés récemment, ont clairement démontré l’inutilité d’un transfert de l’aéroport actuel. Ces nouveaux plans, commandés au cabinet Adecs Airinfra et rendus publics en septembre 2013, mettent à mal les précédentes statistiques, datant de 2003. Nous privilégions donc les statistiques de 2013, celles de 2003 nous paraissant caduques.
Monsieur le ministre, ce petit « zoom » sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes sert aussi à rappeler l’existence d’aéroports vides, en Espagne par exemple ou au Canada, qui en compte deux. De même, je vous invite à visiter avec moi l’aéroport Willy Brandt, à trente kilomètres de Berlin. Modèle technologique, cet aéroport, dont l’inauguration a été reportée, ne sera vraisemblablement pas ouvert à une échéance très proche.
Ainsi, penser l’avenir de l’aviation civile est une bonne chose. Toutefois, il semble nécessaire de lier cette réflexion à la réalité de nos territoires, aux aéroports où les avions se posent. Cette réflexion nous aurait également semblé pertinente et nous aimerions que cet oubli soit réparé. « (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)