Chez Nanni Moretti personne ne cherche son chat, ni Susan désespérément, mais tout le monde cherche le Santo Padre que chacun veut résolument pousser sur le balcon du Vatican . Plus d’un milliard de fidèles attendent cet instant alors que sa Sainteté a résolu d’entamer une psychothérapie et de soigner sa « carence en soin » tardivement découverte, en dévorant des croissants. Désigné solennellement en conclave, par défaut, comme cela a été souvent le cas dans l’histoire de la papauté, celui-ci va oser affirmer la toute puissance de sa volonté et de son humilité face à la faiblesse et à l’esprit grégaire de tous ses pairs, face à la pression d’un monde qui ne reconnait que la tradition et ne peut concevoir l’imprévu. L’inattendu est incarné par un Michel Piccoli magistral et touchant par la justesse de son jeu jamais caricatural face à un Nanni Moretti extrêmement cocasse en psychanalyste à la Woody Allen à la fois entraîneur de Volley et gentil animateur de maison de retraite pour cardinaux.
C’est une vraie farce du pouvoir à laquelle Nanni Moretti nous convie. Pouvoir qui s’exerce dans le culte du secret, dans un monde très clos dominé par les hommes, une gérontocratie aseptisée et malade qui ne survit qu’à coups de tranquillisants, un monde décalé et infantile à la fois, qui ne sait jouer qu’à la balle au prisonnier, un monde rongé par le mensonge et le manque de courage où l’on trouve abondance de tout sauf de l’essentiel, c’est-à-dire de la vie, celle qui est faite de rencontres de femmes et d’hommes parfois fantasques qui savent exprimer leurs sentiments, user de leurs sens, s’intéresser à l’enfance, à la culture et vivre librement dans un monde ouvert symbolisé ici par l’agora. Une farce qui emprunte un peu à la commedia dell’arte dans cette scène hilarante où le garde suisse et les cardinaux se trémoussent sur un air de Mercédes Soza. Un monde à la dérive en plein désarroi prêt à acclamer la première marionnette en ombre chinoise derrière le rideau pour en faire son GUIDE.
Toujours est –il que si certains se voyaient déjà en curé avec une calotte, ce film calmera sans doute leur velléité d’ascension. Le métier de pape et la soutane n’ont plus la cote. La crise frappe aussi l’Eglise mais Nanni Moretti n’en fait pas une critique féroce, il respecte ces hommes de foi et les rend un tantinet attendrissants au point qu’on susurrerait presque dans un accès de foi : « Miserere mei deus » mais heureusement le rire l’emporte et la comédie joue pleinement son rôle de catharsis.
A l’Elysée c’est du haut d’un perron et non pas d’un balcon que les présidents apparaissent, mais la rime est là et Nanni Moretti prononce le nom de N.Sarkozy sans doute dans un élan de poésie...