"Prosternez-vous devant Phidias et devant Michel-Ange.L'admiration est un vin généreux pour les nobles esprits" Rodin. Ni Michel-Ange, ni Phidias, mais c'est Corot qui s'expose au Musée des Beaux Arts, le si bien nommé, dans une approche comparative avec des oeuvres de Renoir, Cézanne, Matisse ou encore Kandinsky.Une allée dans les bois de Wagnonville, le vallon au cavalier, 27 tableaux de ce peintre si admiré au XIXe siècle.
Paysages verts glacés, brumes argentées, nature quotidienne rustique où l'homme est si rare, scènes que Corot peignait " autant avec son coeur qu'avec son oeil ".Coeur très sage, apaisé parfois éteint, non pas un de ces coeurs fougueux à la Delacroix ou à la Rubens. Coeur un peu triste, coeur de lierre, de saules-pleureurs, de grisards, mais coeur de maître, c'est sûr, coeur sincère qui chante la lumière. Par la grâce de la mise en scène, les allées parcourues par le visiteur sur des chemins initiatiques à travers les bois humides, nous acheminent insensiblement vers des oeuvres plus audacieuses, plus colorées, où l'humanité si terriblement absente retrouve enfin sa place. Là, le cavalier atteint enfin son graal: en pleine lumière, surgit la salle des femmes baptisées nymphes ou muses. C'est forcément la plus belle. Jeune algérienne couchée sur le gazon de Corot, sage Liseuse jouxtant celle de Matisse avec sa célèbre Odalisque à la culotte rouge .Portrait de femme de Lhote, femme à la lettre de Renoir, femme à la mandoline de G.Braque, tous se sont inspirés du maître. C'est l'extase qui confirme cette citation de Simone Weil" Le beau est la preuve expérimentale que l'incarnation est possible " ou comme l'a suggéré A.Comte-Sponville dans Du Corps (Puf)," que la spiritualisation est possible ". Alors, il est enfin envisageable d'appréhender les corps ou les paysages épurés, esquisses d' »états d'âmes » de Corot et Kandinsky dans l'ultime salle jaune, vaste sanctuaire. « Un miracle du coeur et de l'esprit » Beaudelaire l'avait dit de Corot, il aurait tout aussi bien pu le soutenir pour cette très belle exposition organisée à l'initiative de son commissaire David Liot en partenariat avec le Musée du Louvre, que l'on peut voir jusqu'au 24 mai au Musée des beaux arts à Reims( De Corot à l'art moderne).