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Billet de blog 14 juin 2009

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La grande braderie

Je prends le bus, destination piscine.

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Je prends le bus, destination piscine. Des gens vulgaires, qui parlent très fort de peur de ne pas exister, suspendus à leur portable dernière mutation physiologique humaine, caisse de résonance à leur intimité. Des odeurs aigrelettes envahissent les voyageurs gênés, qui cherchent désespérément un point à fixer pour oublier cet homme usé assis devant moi, auteur présumé de cette fragrance. Les regards glissent, surtout ne pas accrocher les susceptibilités. Faire semblant de trouver la rue intéressante, beaux les passants, clair le ciel, pas chargé, pas menaçant, pas orageux, pas moches les gens, pas sale la ville, pas “crade” le bus. Je pense à mon fils qui me répète souvent qu'il trouve que l'humanité vue du bus ne vaut pas la peine d'être vêcue.Les transports en commun sont parfois des pousse- au-crime, des révélateurs de misanthropie

20h30: Concert. Mamamia! C'est mon fils qui joue! Je ne crie pas trop fort pour ne pas ressembler à la mère juive d'A.Cohen! Des mélodies à la Bob Dylan dont il a hérité les cheveux, la génétique n'arrêtant pas de faire des progrès! Il est doué, forcément, c'est mon fils. Pur moment de bonheur et la salle abonde dans mon sens. Comme je les aime ces gens et surtout lui!

Bon, là, je dors, c'est la nuit.

Puis, c'est dimanche!Brocante!

Ma fille voulait jouer à la marchande, alors tréteaux, planches et moult pacotilles, cadeaux d'anniversaires ou de noël tout de suite détestés tout en jurant que si si, cela nous plaisait beaucouououp! Péché véniel puisqu'il y aurait recyclage à l'occasion du prochain vide-grenier. Tout ressemblait à la corvée: se lever tôt, porter les cartons jusqu'à l'emplacement tatoué sur la chaussée, s'installer dans la fraîcheur, attendre de voir défiler les badauds sous un soleil mordant, saoûlée par le bruit, la disco de la sono et les conversations, car les voisins d'emplacement engagent toujours un brin de causette... les odeurs de frites, de merguez et de bière sont stimulantes dans ce genre d'exercice. Bref, je m'en faisais d'avance toute une joie...

Et pourtant, le Miracle eut lieu. Je découvris des voisins avenants, pleins d'attention.On m'offrit de partager l'ombre et le pain, le café et les paroles, les enfants en oublièrent de vendre leurs vieilles peluches et jouèrent tranquillement aux petits poneys sur le tapis de laine que les passants ne purent plus les revendiquer, ce qui les poussa sans doute, dans un esprit de vengeance, à vouloir absolument m' acheter ma gourde et mon fauteuil et je craignis même de faire l'objet d'un marchandage! Le temps s'égrena tranquillement comme si j'avais négocié l'éternité . J'échangeai une poupée contre des chenets en bronze, je débusquai une chilienne à lire du Pablo Neruda et ce sentiment de simplicité, de monde parallèle, celui des gens modestes, du troc, d'un temps ancien où la valeur des objets n'aurait plus vraiment d'importance. Et puis, alors que je bradais un bouquin de Ph.Sollers que je n'aime pas beaucoup, un homme au visage buriné, au cheveu terni par la misère, au pif grêlé par le vin se présenta à moi: Bonjour Madame... mais un bonjour incrédule comme s'il avait peur d'être invisible.Mais bien sûr que je le remettais cet homme! C'était le Monsieur aux croissants, celui qui chaque matin se tenait dignement devant la boulangerie en attendant patiemment que la vie le remercie.Chaque matin, je m'excusais d'avoir eu plus de chance que lui en déposant mon obole dans le creux de sa main et nous ébauchions quelques bribes de converstions sur le temps, histoire de faire croire que la vie était belle.Un jour, il disparut et j'osai émettre l'hypothèse d'une mort secrète quelque part dans la nuit.Quel soulagement de le retrouver là sous la lumière! Il m'expliqua qu'il avait trouvé un boulot de gardiennage et qu'il s'en était sorti, qu'il revivait, qu'il avait coupé ses cheveux et qu'il venait donner le bonjour dans le quartier qui lui avait servi d'antichambre de la vie.Un ange passa.

J'aurais été prête à faire toutes les brocantes de France ou de Navarre, j'aurais troqué Sarkozy contre une essoreuse à salade, genre celle qui vous froisse menu la démocratie, Hadopi contre un Pif le chien, R.Bachelot contre une vieille paire de lunettes sécurité sociale de plus en plus en vogue sur les brocantes...

Mais il faut se dépêcher car au rythme où va ce gouvernement, bientôt il n'y aura même plus de vide-greniers pour les plus modestes car ils seront vides, tout au plus pourront-ils brader leur liberté...

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