Lire pour vivre mieux

Qu'est-ce qu'un bon roman?
C'est celui dans lequel la subtilité des mots parvient à exhaler le quotidien, les odeurs de la vie, la couleur des hommes et des femmes que je ne rencontrerai sans doute jamais ou que je connais trop pour en faire des héros.
C'est celui qui laisse une liberté absolue aux mots et aux idées allant jusqu'à l'insolence le temps d'une phrase.
C'est celui qui me déroute, me désarme par la fulgurance des évidences que je n'avais jamais perçues.
C'est celui qui me parle d'hommes et de femmes qui s'accrochent à la vie, mystère bien supérieur à celui de la trinité, savent leur finitude et cachent leur fragilité.
C'est celui qui me parle d'amour.
C'est celui qui a l'élégance de la pudeur.C'est celui qui me fait pleurer ou rire dans le crépuscule de mon oreiller et qui fait couler de vrais larmes salées sur ma langue ou un grand souffle sucré de plaisir, c'est selon.
C'est celui que je choisis pour sa couleur, son odeur, sa texture, la sonorité de son titre, sa quatrième de couverture au hasard de ma cueillette.
C'est celui que je ne connais pas encore et que j'ai hâte de découvrir. Vivre pour lire ou lire pour vivre?
C'est celui qui détonne: « Leur ass bien kické comme des couillons de Parisiens et de Ricains qu'ils étaient » Anna Gabalda, La Consolante.
C'est celui qui ma fait goûter le raki à l'ombre des mûriers.
C'est celui qui me donne tout son temps. On peut le respirer, l'humer, le caresser, l'abandonner. Il est patient. Il m' appartient.Il m'attend.
C'est celui qu'on laisse distiller lentement de crainte de devoir le quitter un jour.
C'est celui qui crée une intimité inaliénable qu'on aurait oublié d'inscrire comme un droit de l'homme.
C'est celui qui décrypte la vie mieux que tout.
C'est celui qui vous donne de la force.
C'est celui qui vous donne droit à des souvenirs. « La mémoire des pauvres déjà est moins nourrie que celle des riches[...]Et puis, pour bien supporter, il ne faut pas trop se souvenir, il fallait se tenir tout près des jours, heure par heure comme le faisait sa mère[...] » A.Camus, Le Premier Homme.
C'est celui qui vous offre le blason d'une grande famille, celle des hommes, celle de la culture qui les constitue.