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Billet de blog 16 janvier 2013

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Protection de l'eau: ni paille, ni trêve nitrate.

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Pendant que la FNSEA déverse ses tombereaux de fumier pour dénoncer la poutre dans l'oeil de Bruxelles, une petite mise au point, juste une paille dans la politique agricole française et la politique de l'eau.

Le dernier rapport de la Cour des Comptes est marqué par l’empreinte de Philippe Séguin , décédé quelques jours avant sa publication, qui n'était  pas un écologiste avéré. Il signe une charge accablante contre le modèle français de l’eau et dit bien fort ce que tout le monde pensait tout bas : la France ne respectera pas ses engagements sur la qualité de l’eau pris pour 2012 !

Mais pourquoi des comptables de l’État s’intéressent-t-ils à notre eau ? 

Tout simplement car l’État – donc le contribuable - risque d’être condamné à de fortes pénalités financières par l’Europe. Nos manquements en matière de qualité de l’eau nous exposent à des sanctions financières de 150 millions d’euros ! 

Or, avec 6 condamnations – dont une récemment pour les marées vertes en Bretagne - la France fait déjà figure de cancre en Europe. 

Pour exemple : aujourd’hui, 64 agglomérations n’appliquent toujours pas la norme européenne sur l’assainissement des eaux résiduaires (page 623). Or cette directive date de 1991 ! De quoi s’interroger sur la réactivité du modèle Français de l’eau… 

Pour le reste, le rapport est accablant : 

● En citant des enquêtes déjà publiées, la Cour note (page 621) que dans 14% des points de captages, les teneurs moyennes en nitrates dépassent la norme limite de 50 mg / litre. Or les nitrates sont nocifs pour la santé et constituent des marqueurs signalant la présence d'autres polluants.

● La présence de pesticides est avérée dans les deux tiers des masses souterraines d’eau en France (page 620), 

● La menace de polluants émergents (médicaments, métaux, hydrocarbures) est à prendre très au sérieux (page 622), 

● La gestion de l’eau souffre avant tout d’une déconnexion des enjeux liés à l’ environnement. L’Etat consacre 1,8 fois plus d’argent à dépolluer plutôt qu’à lutter contre la pollution en amont. 

Autrement dit : on pollue massivement… avant de dépolluer comme on peut ! 

Pourtant, une autre politique de l’eau est pourtant possible comme le souligne (page 622) la Cour des comptes : 

A Munich, par exemple, la ville a racheté des terres agricoles pour les convertir à la culture biologique, dans le but de préserver la qualité des eaux. Une baisse spectaculaire des taux de nitrates a d’ailleurs été mesurée et le coût de cette politique de prévention est 2,5 fois moins élevé que les traitements anti-nitrates pratiqués en France. 

Au Danemark, une taxe sur les pesticides a déjà permis de faire baisser les teneurs en azotes, en phosphores et pesticides de plus de 30%. 

Mais que font les Agences de l’eau ? 

Après avoir dénoncé les lacunes de la prévention, la Cour met ensuite en cause l’absence de répression (page 625). Seuls 1% des contrôles donnent lieu à des sanctions ! 

Manque de prévention, carences de la répression, en filigrane, les rédacteurs de la Cour des Comptes mettent en cause particulièrement les Agences régionales de l’eau.. 

Au final, la Cour estime que les « Agences ont peu contribué, par la modestie de leur intervention, à l’émergence de solutions ». Cette enquête « conduit à douter de la capacité de la France d’atteindre dès 2015, les objectifs qu’elle s’est assignée », « sauf à ce que des améliorations y soient rapidement apportées ». Fermez le ban ! 

 A l’échelle européenne et nationale, la mise en place du SDAGE (Schéma Directeur d'Aménagement et Gestion de l'Eau) vise à une reconquête des masses d’eau à l’horizon 2015 : 2/3» des cours d’eau et 1/3 » des eaux souterraines doivent atteindre un bon état écologique.  Mais notre exemple local met à mal le modèle français  de gestion de l’eau qui repose sur une gestion déléguée au secteur privé (3 multinationales  assurent la distribution pour 60% des communes  soit 80% de la population française). La moitié des captages de la Marne sont confrontés à un problème de qualité qui conduisent à des interdictions temporaires de consommation pour les femmes enceintes et les nourrissons, voire à des interdictions sur des périodes plus ou moins longues suite à des pollutions accidentelles ou à des négligences,  à la distribution d’eau en berlingots,  à l’abandon des captages, à des mélanges des eaux et à la construction au final d’usines de traitement couteuses pour la collectivité.   La France reste dans le choix du curatif plutôt que du préventif, les usines de traitement ne garantissent pas une élimination complète des polluants, loin de là et nécessitent une vigilance et une surveillance permanente ( pb des filtres ). Les stations d’épuration ont-elles aussi une efficacité mesurée et nombre de polluants se retrouvent au final dans les rivières. On ne sait que faire des boues.

La loi Grenelle 2 entrée en application ne permettra pas de relever le défi  pas plus que la LEMA. ( n’intègre pas le principe pollueur /payeur, les principaux pollueurs sont de loin les derniers contributeurs aux agences de l’eau), pas de taxation des nitrates et faible taxation des pesticides, pas de taxation incitative des restrictions d’eau, l’usage agricole qui représente plus de la moitié de la consommation nationale est marginalement taxé et les arrêtes de restriction d’eau n’ont pas d’effets véritablement dissuasifs, aucune mesure concrète pour limiter l’inflation du prix de l’eau.)

Espérons que nos gouvernants seront plus sensibles aux arguments financiers de la Cour, qu’à ceux des associations environnementales (notamment bretonnes), qui formulent depuis longtemps des critiques semblables, contre le modèle français de l’eau et qu'ils ne cèderont en rien au fumier déversé de la FNSEA face aux sanctions annoncées de Bruxelles. 

Des progrès….des réalisations

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