Ils sont quatre, quatre instruments qui entrent sur la piste du très vieux et très beau manège de Reims : une trompinette, une contrebasse, un accordéon et un hélicon. A leur extrémité, quatre acrobates, trois costauds et une mini fluette au collant rouge et petit volant annonçant un corps gracile à peine surplombé d’un joli minois scandinave bien serré entre deux macarons soigneusement nattés. Le temps d’un battement de cil et hop elle voltige jusqu’aux paumes de son partenaire, posée en équilibre délicat aux extrémités de ses poignets d’acier. Il la lance, la recueille, la balance, la reçoit, l’enlace sans se lasser, sans jamais la froisser ni la casser, comme une poupée de chiffon, dans une mise en scène d’une drôlerie inouïe. Mais la liane intrépide, la Kati, finit par se retourner comme un boomerang contre ce mâle macho et elle se métamorphose alors en catcheuse redoutée qui va éreinter ce gros Marcel dénommé Victor, et lui faire mordre la poussière avant qu’il ne courbe l’échine en canasson enfin dompté par cette écuyère à la Chagall. Un numéro de main à main époustouflant dans un éclat de lumières et de musique. Un grand moment de créativité joyeuse et audacieuse accueillie par des applaudissements telluriques à la mesure du bonheur partagé en cette veille d’élection. Comme pour faire exploser le vide que le politique semble vouloir semer au gré de la crise, la culture n’étant plus qu’un écho lointain, alors qu’elle est une résonance hautement renouvelable fortement recommandée à doses chevalines.
Juste un détail sans doute prémonitoire : la voltigeuse était de rose vêtue ! Martine dans un numéro de main à main avec Dany ? En piste !
Un spectacle du Cirque Aïtal, La piste-là.
Conception et interprétation : Victor Cathala & Kati Pikkarainen
Sur la piste : Victor Cathala (porteur), Helmut Nünning (musicien), Kati Pikkarainen (voltigeuse), Matias Salmenaho (porteur)
Composition musicale : Mathieu Levavasseur