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Billet de blog 22 mai 2009

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Ascension ou éloge de la légèreté

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C'est en lisant en ce soir déclinant d'ascension, l'article de Nicolas Delesalle, l'Homme sans gravité, dans le Telerama de cette semaine, que je me suis souvenue de cette folle pentecôte que j'ai vécue l'an passé loin des préoccupations politico- spirituelles comme pour mieux éprouver cette citation de P.Valery rapportée par le journaliste: " Ce qu'il y a de plus profond chez l'homme, c'est la peau " ou bien encore celle-ci de F.Begbeder: " La superficialité, c'est le refus de se prendre au sérieux. C'est une solution de repli et de survie. Tout dépend de ce que l'on met à la surface: l'élégance, l'art de vivre , l'humour."
Ce fut donc, une folle pentecôte!
Il eut la mise à l'eau du Guppy, petit voilier à l'allure ancienne avec sa belle voilure cachou. Jusque là tout allait bien.Et puis des petits riens annonciateurs d'un monde un peu dérangé, en vrac, comme je l'adore.Il suffit de guetter ces instants insignifiants si drôles, qui vous remplissent.
Il y eut cette mobylette bleu ciel amarrée solidement à sa carriole en bois, en attente de son pépère de pêcheur suspendu à son carrelet.
Il y eut la révélation que nous fit le voisin au sujet de son coq enroué: il l'avait baptisé Sarkozy en raison de ses interventions intempestives à tout propos, à n'importe quelle heure de la nuit ou du jour.
Il y eut le galop d'un troupeau de vaches le long de l'estuaire de la Loire, sans doute pour faire diversion, de peur que l'automobiliste n'aperçût les chantiers fumants de St Nazaire qui se profilaient à l'horizon.
Il y eut des cigognes par dizaines semées par un tracteur à la traîne de ses labours.
Il y eut des moules qui n'en finissaient pas d'attendre la saison pour accompagner mes frites et je finis alors par me rabattre sur une galette bretonne, andouille, moutarde.
Il y eut ce cahier d'écriture pour les sales gosses, butiné parmi des tissus aux arabesques très seventies, dans ma boutique préférée, sous des bijoux, cailloux, joujoux, mais pas de choux, du papier froissé, des tuniques La Fiancée du Mékong, des potpots en métal recyclé... Vous m'écrirez dix lignes de grosse bâtarde, d'olibrius, de kéké, de X comme rien trouvex
Il y eut cette rencontre avec le frère d'une amie à l'allure ecclésiastique, obsédé sexuel, aviateur et géologue selon l'humeur.
Je croisai aussi Pierre Pélot à travers son récit d'enfant des Vosges dans Petite éloge de l'enfance, et la Paulette, qui sous sa mise en plis, me fit l'article pour ses petites fleurs qu'elle avait injustement surnommées « oeufs sur le plat » car elles étaient nées sous X le long de sa clôture.
Et puis, je saluai l'Emile, qui, embusqué sous son chapeau derrière son déambulateur, guettait le passant et traquait les mots qui s'enfuyaient sous mon oeil perplexe. “J'en ai perdu une baisée de mémoire!”s'excusa-t-il.
Il y eut les corps qui n'en reviennent pas de s'alanguir sur le sable sous un soleil d'avril, sauf qu'on était en mai. Soleil: “Peut mieux faire!”
Il y eut ces retrouvailles avec J.Rouaud et Ph.Delerme sur ma serviette de plage écossaise au hasard des pages du Nouvel Obs. Tiens, il chante, j'avais tant aimé Les Champs d'honneur pour ses ciels de bord de Loire et ses poilus. Finalement, ils m'obsèdent ces poilus...Peut-être à cause de Ham, mon père et tout ça....Trop long pour aujourd'hui. Détente. Le choix de la futilité.
Il y eut cette boule de sable qui glissa dans mon maillot: “ Arrête Adèle, c'est désagréable!Il va y avoir plein d'habits dans la valise!” Explosion de rires, Adèle se roule dans le sable et ne se remet pas de ce lapsus! Du coup, elle relance ça. Deuxième salve de sable qui échoue dans mon sac de plage sur le Carthage de D.Rondeau que je secoue pour évacuer ces miettes de plage. Sont-elles aussi douces que celles effleurées par Didon qui accosta sur le littoral tunisien? Tiens, j'aime bien ce passage: “ Hérodote, Thucydide, Polybe: trois exilés. Des déracinés. Ils ont ont chacun à leur façon cherché le centre secret de la condition humaine dans les mutations du monde qu'ils mettent en écho.Ils ont été les premiers à tenter de comprendre la part de l'homme dans le mouvement de l'histoire”.
Il y eut ce “Tu sais maman, moi plus tard je veux être architecte de mode, tu sais, je suis très créatrice. « J'éclate de rire. Ben quoi, pourquoi tu ris? » Elle agite ses tongs sous sa robe frisée liberty. Je trouve juste: « Tu sais, Adèle, moi, plus tard, j'aimerais te ressembler! ». Elle ouvre ses grands yeux verts comme pour les faire monter dans ses boucles.
Enfin, il y eut ce mât que l'on oublia de sortir, que l'on promena quelques temps bien fier sur son voilier tiré par la remorque et qui finit par s'accrocher, peu glorieux, au premier fil téléphonique venu.
Cassé net le mât , comme le bout-dehors gisant avec sa sous-barbe, consternés, sur la chaussée.
C'était la Pentecôte! Dommage, le Saint Esprit aurait pu descendre bien droit le long du mât. C'est raté! Tout se perd! Ce doit être à cause des changements politico-climatiques. Un jour férié, un jour non. le Saint -esprit se venge.


« De grandes carrières superficielles sont brisées sur l'autel de la gravité. [...] Au fond sous l'apparat du vide, la superficialité est peut- être simplement un combat, une lutte pour célébrer les détails qui font vraiment vivre nos vies.[...] sans la bave filandreuse des profonds ». Nicolas Delesalle, in L'homme sans gravité, Telerama n°3097.

Mais ne nous trompons pas, il faut de la force pour lutter contre la pesanteur des idées reçues, comme le souligne encore ce journaliste, et c'est peut-être cette force-là, que beaucoup d'hommes graves ignorent.

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