Pour faire écho à l'article de B.Stora sur mai 1958 éclipsé par mai 1968
Propos de caddies au super marché du quartier.
Le monsieur dépose ses litres à étoiles sur le tapis roulant. La caissière tente de garder toute sa dignité, mais c'est difficile car elle a râté sa teinture qui a viré au lie-de-vin et ça jure avec sa blouse rouge soviet en tergal RDA.
Ce qu'il nous faudrait, c'est un bon mai 68 puissance 10!
Oh, on va vers les beaux jours, vous savez!
Elle n'est pas bourgeoise, mais elle n'a pas compris.
Alors, j'essaie de me souvenir mon mai 68.
Pendant que les étudiants occupaient la Sorbonne sous les regards attentifs du CHE placadé sur les murs et de ceux mon père,CHE des pommiers, en Thiérache, ma soeur et moi menions d'autres combats hautement symboliques .La contestation était en marche. De Gaulle allait l'éprouver.
Sarah était ma soeur.
Mes démonstrations d’affection à son égard,étaient pour le moins maladroites.
Nous aimions par-dessus tout braver la vieille chouette de voisine qui surveillait au périscope son jardin et nous interdisait formellement de le traverser. J’organisais donc régulièrement des expéditions punitives afin de rétablir une servitude de passage qui finirait bien par s’inscrire dans les actes notariés.
Ma petite Sarah faisait partie, ce jour-là du commando. Il faisait chaud et le maillot de bain était de rigueur. La bande devait me suivre afin d'atteindre un tas de sable situé de l'autre côté de l'éden et nous devions prononcer la formule incantatoire : Toi, la vieille chouette, écrase-la ! accompagnée d’un petit geste de la main évocateur, genre - ferme ton bec . Mais, la manœuvre tourna à la Bérézina, car nous bousculâmes Sarah qui se noya dans la rivière d’orties qui ourlait la barrière. Ses hurlements furent difficiles à apaiser, et nous attendîmes quelques semaines avant de relancer la guérilla en territoire ennemi, le temps d’éteindre le courroux parental .
A Paris, à défaut de sable, les manifestants avaient déterré des pavés.
De Gaulle allait devoir s'envoler pour Baden Baden où il ne rencontra jamais Delphine Seyrig.Elle était à Marienbad depuis longtemps.
Jamais je n'aurais pu imaginer que braver les interdits en culotte de coton peigné aurait un tel retentissement politique. Jamais je n'aurais pu penser que nous allions engendrer une telle décadence morale qui perdurerait jusqu'au siècle suivant.
Certains ne s'en sont jamais remis.