Plutôt désespérant d'écrire ce que l'on n'a pas aimé.L'ignorer, lui tourner le dos, comme je l'ai fait après avoir refermé Les Déferlantes de Claudie Gallay. Oui, mais le ressentiment est tenace. Un roman trop lent à mon goût, trop sombre, dans lequel des personnages glacés sont plus enclins à dégainer leur parapluie ou leur désespoir qu'à oser afficher un quelconque sentiment, ni même un geste qu'on risquerait de prendre pour de la tendresse. Ca doit être le ciel gris de La Hague qui les pétrifie dans leur rumination de désespérés à moins que ce ne soit l'auteur qui ne les aime pas suffisamment pour les rendre attachants.Leurs coeurs oscillent entre ornithos et thanatos avec parfois un petit penchant félin mais rien de trop, et le seul amour qui sourd à fleur de page est si peu incarné qu'on se demande s'il n'est pas purement platonique.J'avais envie d'autre chose, j'avais rêvé d'autre chose et j'avais fait mauvaise pioche. En bref, une envie de se tirer une betterave dans la tête, pour les Picards, ou un chou fleur pour les Bretons, après avoir lu ce roman.Pour les autres, faut voir dans vos campagnes...Fort heureusement, comme ni la région, ni la saison ne s'y prêtaient, la betterave se faisant rare en Corse, j'ai fini par échouer sous un figuier dont les fruits éclataient en atteignant le sol en exhibant leur chair violette et granuleuse, tout en dévorant, Les Hommes à Terre de B.Giraudeau, l'antidote exacte à ma rancoeur. Il y est aussi question de marins, de ports, d'amour etde femmes, sous forme de nouvelles. Dans Indochine, Paul redécouvre son père et sa mère. « Cet homme fut son mari.Elle parle souvent au passé. [...] La réalité s'est chargée d'une lourde besogne et les voilà côte à côte à tricoter l'ennui » qu'elle conjure à coups « d'éponge véloce » en ragassant, « la vaisselle qu'on change de place, les casseroles qu'on bouscule... » jusqu'à ce voyage, le vrai, celui qui libère, « un fragment d'une autre vie ». Une nouvelle un peu en contrepoint de ce remarquable petit roman de l'écrivaine sarde Miléna Agus, Mal de Pierre, où la petite fille révèle elle aussi la vie secrète de sa grand-mère, femme apparemment simple. Et puis, il y a cette histoire de Jeanne autour de laquelle B.Giraudeau construit une nouvelle très poétique et touchante. Elle « a nourri son bonheur de l'absence, dans une sorte de méditation intensive de l'autre". Il la couve de tout son amour . Dans ce recueil, l'écrivain ne nous cache rien de ce monde rude des marins perdus, ni leurs bassesses, ni leurs fragilités, ni leurs sordides aventures. On touche à la noirceur des tripots qui donne parfois la nausée, mais ces nouvelles n'ont rien de désespérant, sans doute par l'alchimie de la poésie du récit, qui reflète l'attachement que l'écrivain voue à ces hommes et ces femmes qu'il a semble-t-il côtoyés, sans doute parce qu'il ne nous cache rien de notre condition d'animal amoureux.Le lecteur n' en sort pas désespéré, juste un peu plus heureux d'avoir assisté à cette transmutation de la vase en sable fin par la grâce de l'écriture.
Billet de blog 25 août 2009
Romans de rivages
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