Histoires....
Je quitte ma classe de seconde, nous venons de travailler ensemble sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, sur les valeurs nouvelles pour l'époque, à portée universelle, comme la liberté, l'égalité le droit à la sûreté de la personne, le droit à la résistance à l'oppression. On a labouré ensemble leur quotidien pour voir un peu comment ces principes étaient encore vivants aujourd'hui, en France.On a bien mesuré tout le chemin parcouru depuis deux siècles, mais le bel édifice mental a été un peu bousculé:
_ « Madame, les impôts , c'est pas l'égalité! »
_ « Les immigrés sont pas égaux non plus! »
_ « Les filles , elles ont pas autant d'ambition que nous. Elles préfèrent s'occuper des enfants. Ells pensent pas comme nous! »...
Midi sonne. J'ai rendez-vous dans une rue avec un immigré algérien qui avait contacté le réseau RESF la veille parce qu'il avait reçu une Obligation de Quitter le Territoire Français. Très angoissé, il nous conduit chez lui.Sa femme et ses quatre enfants nous accueillent chaleureusement dans leur deux pièces. Entre deux précisions administratives, ils nous expliquent dans un français impeccable, pourquoi elle a fui le terrorisme, pourquoi elle aime tant la France « Mon grand-père était officier dans l'armée française et il me disait toujours: si tu es un jour dans le malheur, tourne -toi vers ta mère , la France ». Le papa nous exposa l'ampleur de ses démarches, son quotidien kafkaien dans ce dédale administratif depuis 5 ans, son désespoir de voir ses enfants grandir ici .La maman exhume du petit tiroir précieux les bulletins honorables de ses enfants, sorte de trophées qui aurait dû valider à eux-seuls leur droit au séjour en France, comme s'il fallait justifier encore et encore.... Pas de ressources, pas de travail, pas de papiers. Ni sanglots, ni pathos, ni suppliques: juste un couscous à partager dans la dignité et l'espoir ténu qu'ils mettent en nous. Alors, il nous a fallu leur dire qu'il leur faudrait encore du courage, que nous allions les aider, mais que ce serait long et difficile. Peut-être y aura-t-il à la préfecture ou ailleurs des fonctionnaires un peu moins zélés qui nous aideront. Il y a toujours en chaque homme une marge de manoeuvre dans l'application de lois scélérates.
Si loin de la théorie du cours sur les droits de l'Homme, de cet océan, il n'y avait plus que du sable et de l'écume.
Je vous informe que puisque la solidarité est devenue un délit en France, je m'inscris pour le projet lancé par emmaus que vous pouvez consulter en cliquant sur le lien:
www.delinquants-solidaires.org.