Cher·es collègues,
Nous sommes toutes et tous d’accord sur le constat: l’éducation nationale se trouve dans une situation catastrophique. En grande majorité, nous souffrons dans nos classes et nous souffrons de voir nos élèves en pâtir.
Pourtant, nous peinons à mobiliser, nous peinons à nous rassembler et nous peinons à défendre nos conditions de travail, collectivement, dans la solidarité.
Nous savons :
- qu’il est difficile d’aller puiser dans une énergie dont le réservoir est épuisé;
- qu’il est difficile de perdre une journée de salaire alors que notre pouvoir d’achat ne cesse de diminuer (baisse du pouvoir d’achat de 20% entre 1981 et 2004, les profs français sont les moins payés d’Europe);
- qu’il est difficile de faire entendre notre voix alors qu’année après année, la parole des enseignant.es est de plus en plus verrouillée. En effet, la hiérarchie utilise souvent le principe de «neutralité enseignante» comme une injonction à taire des alertes légitimes émanant du terrain sur les problèmes graves rencontrés dans les écoles.
Bien souvent, les solutions apportées par l’institution sous-entendent que les dysfonctionnement relèveraient de la responsabilité individuelle des professeur.es et non au manque de moyens, à la ségrégation scolaire et aux injustices sociales.
Peu à peu, le système nous incite à croire qu’être exemplaire c’est désormais se soumettre à la prescription en taisant les conséquences négatives qu’elle peut avoir (petit rappel historique: les fonctionnaires ont été sommés d’obéir sous le régime de Vichy. C’est pour éviter que l’histoire ne se répète qu’Anicet Lepors gravera dans le marbre la loi du 13 juillet 1983 qui exprime simplement que "La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires.").
Nous avons le droit de nous exprimer. Plus encore, nous avons le devoirde dénoncer des situations violentes et injustes (qui ont été sciemment décidées et orchestrées politiquement).
En tant que lanceur.euses d’alerte, nous savons que dans un contexte politico-médiatique de profbashing, aujourd’hui, notre parole est invisibilisée et les luttes pour nos droits sont au mieux dévalorisées, au pire criminalisées.
De tout temps, des militant.es anonymes se sont organisé.es collectivement pour conquérir des droits, dans tous les domaines, qui nous paraissent naturels aujourd’hui (quelques exemples dans l’histoire les plus marquants: l’abolition de l’esclavage, l’interdiction du travail des enfants, le droit de vote des femmes…). Au départ, ces militant.es étaient minoritaires et toujours réprimé.es!
Ici, ce sont bien les droits des enfants qui sont menacés si toutes les décisions politiques ne permettent pas, comme le stipule la loi, une égalité et une justice sociale pour toutes et tous, mais provoquent l’effet contraire.
Le privé reçoit des subventions publiques mais fait pourtant le tri des élèves à l’entrée. Quelle injustice!
Aujourd’hui, en l’état, l’école n’est plus synonyme d’émancipation et peine à remplir ses missions républicaines et de correction des inégalités.
Passé ce constat et au vu de tous ces éléments, il faudrait en tirer des conséquences citoyennes.
Réforme après réforme (coupe budgétaire sur coupe budgétaire), la conséquence délétère c’est que nous nous habituons à une détérioration organisée qui tue l’école.
De plus, les orientations politiques de ces dernières années ont également joué sur des « effets d’annonce», bien souvent à propos de micro-sujets comparés à l’ampleur des problèmes que constatent, subissent et dénoncent les acteurs sur le terrain.
Dans un climat d’apathie générale, refusons de nous taire et de nous laisser faire.
Le contraire de «rêver» c’est «se résigner» : nous avons choisi notre combat. Parce que…
« Les utopies d’aujourd’hui sont les réalités de demain.» (Victor Hugo)
Nous avons bien conscience que ce combat s’inscrit dans un temps long, que nous n’obtiendrons pas forcément des résultats concrets au lendemain d’un jour de grève. Nous ne sommes pas naïf.ves… Rien n’a jamais été obtenu aisément et poliment. Au contraire, ce fut toujours le fruit de longues conquêtes de personnes déterminées (souvent dénigrées par une partie de leurs contemporain.es).
Le chemin est semé d’embûches mais, coûte que coûte, nous continuerons à faire vivre ce collectif et notre combat. Alors, rejoignez-nous, pour l’école et nos enfants.
Cher.es collègues, unissons-nous, soyons solidaires: nous sommes assez nombreux pour faire pression et engager un véritable rapport de force!Luttons pour nos droits et ceux des enfants, l’histoire nous a montré que ce n’est jamais vain.
Parce que notre combat est juste et nécessaire et nous avons besoin de vous pour construire la suite: la réponse doit être collective !
Bien à vous,
Le collectif Enseigner sans en saigner