(En arabe, nafar désigne l'individu qui n'a pas de nom, pas de droit, un simple numéro noyé dans la masse. C'est ainsi que les passeurs appellent leurs clients).
Nous sommes un groupe de 12 personnes, 12 jeunes gens plein d'espoir et de rêves qui se sont rencontré-e-s en Syrie ou en Turquie et qui ont décidé d'aller ensemble en Europe. Il y a un médecin, un juge, deux architectes, un avocat, une artiste peintre, une designer, un réalisateur de film, une travailleuse sociale, un cuisinier, un acteur et un secouriste. La moitié d'entre nous n'a pas pu compléter ses études à cause de la guerre. La plupart ont fui en Turquie bien avant de faire aujourd'hui le choix de tenter leur chance et traverser la mer. Mais rester en Turquie impliquait d'accepter l'impossibilité de travailler légalement ou d'étudier. Ça voulait dire accepter d'attendre, seulement attendre que la situation change. Mais notre jeunesse ne durera pas aussi longtemps. Dans le groupe, nous sommes 11 syriens et 1 française. Pour elle, munie de son passeport, les frontières sont ouvertes. Dans ce système, elle est un être humain, elle a le droit et la possibilité d'être où elle veut. Pour différentes raisons mais avec la volonté commune de vivre cette expérience tous ensemble, nous avons quitté Istanbul et sommes en chemin vers un pays où les nafarat* pourrons redevenir des êtres humains. Du moins, c'est notre but.
* Nafarat est le pluriel de nafar en arabe.