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Billet de blog 21 juillet 2015

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Une saison blanche et sèche !

André Brink est né en 1935 descendants d’une famille austère (père magistrat) de colons hollandais en Afrique du Sud. C’est en 1960 au cours de ses études à la Sorbonne qu’il a pris conscience du racisme et de la nécessité de la lutte contre l'apartheid.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

André Brink est né en 1935 descendants d’une famille austère (père magistrat) de colons hollandais en Afrique du Sud. C’est en 1960 au cours de ses études à la Sorbonne qu’il a pris conscience du racisme et de la nécessité de la lutte contre l'apartheid. De retour chez lui, il devient professeur à l’Université. Il rompt avec son milieu alors qu’il publie en 1973, son premier livre, « Au plus noir de la nuit ». Le roman est interdit à une époque où la censure culmine en Afrique du Sud. La censure, loin de calmer ses ardeurs, va au contraire le propulser dans un milieu d’artistes engagés, solidaires dans la résistance, et à se faire publier à l’étranger. Il prend la tête d'une nouvelle génération d'écrivains afrikaners. Les thèmes de prédilection de ses livres sont d’inspiration très libérale. Il se bat pour la justice pour tous, le respect de tous, l’égalité en droit et la liberté y compris des femmes. Ses livres parlent de combat mais aussi d’amour, de solidarité et de fraternité. Le monde le découvre avec « Une saison blanche et sèche » (1), son 4ème roman publié en 1979. Il sort en français en 1980 et obtient le obtint le Prix Médicis étranger.

L’univers d'André Brink a heurté ma vie en 1990 en cours d’anglais. A l’époque j'étais en première. "Une saison blanche et sèche" a bouleversé totalement mon univers relativement paisible. S'il y a un livre qui devrait être obligatoire au lycée c'est bien celui-là ! Ce livre, symbole de la lutte contre l’apartheid, a été écrit à son moment culminant dans la fin des années 70. Il parle de ce système mais aurait pu parler de tous les régimes totalitaires finalement. L'histoire aurait pu également se situer dans un pays communiste ou en Amérique du Sud. Il dit une chose importante

... tout régime fondé sur l'apartheid est très fragile parce qu'il est contraire à la nature de l'homme.

Il ne peut fonctionner que si les communautés s'ignorent mutuellement. Dès qu'il y a interaction, le système est fragilisé et tout peut basculer rapidement. D'où des lois très sévères, des sanctions très dures pour punir ceux qui franchissent les barrières.

Ben Du Toit est un professeur blanc qui s'intéresse au sort du fils de son jardinier noir. Ben Du Toit est un héros absurde digne d'un essai de Camus. C'est l'homme révolté par excellence. Il est conscient que la mort l'attend en persistant dans sa conduite mais, il agit quand même. Toute la problématique de l'utilité de l'acte, des limites stoïciennes (celles que l'on doit accepter et celles que l'on peut repousser) se retrouve dans ce personnage. Il choisit d'agir, entraînant d'abord avec lui les siens puis, abandonné par eux, il décide malgré tout de poursuivre son combat jusqu'au bout, jusqu'à la mort persuadé qu’un seul, par son action, peut tout changer.

« Une fois dans sa vie, juste une fois, on devrait avoir suffisamment la foi en quelque chose pour tout risquer pour ce quelque chose.»

 « Il n'existe que deux espèces de folies contre lesquelles on doit se protéger, Ben. L'une est la croyance selon laquelle nous pouvons tout faire. L'autre est celle selon laquelle nous ne pouvons rien faire. »

En agissant, il se transforme peu à peu, d'un anonyme sans aucun intérêt en personnage solitaire, magnifique. Il transforme également les autres, le monde dans lequel il vit.

 « Tout ce que l'on peut espérer, tout ce que je puis espérer, n'équivaut peut-être à rien d'autre que ça : écrire, raconter ce que je sais. Pour qu'il ne soit plus possible de dire encore une fois : Je ne savais pas. »

 Effectivement. Ses livres forgent une conscience politique, de l’importance de s’engager pour défendre ce qui nous tient à coeur. Cette conscience dans le contexte politique actuel, où nos libertés sont grignotées les unes derrière les autres, prend tout son sens.

André Brink amoureux de la France revenait nous voir régulièrement. J’ai eu le bonheur d’aller l’écouter et de discuter un peu avec lui. C’était un très très grand Monsieur. Il est mort en février 2015. Il manquera au monde. Il me manquera.

(1) http://www.livres-online.com/Une-saison-blanche-et-seche.html

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