Dans le cadre de ma démarche d’écritures du réel, je permets aux jeunes de prendre véritablement la parole pour partager leurs expériences, leurs rêves et leurs frustrations, offrant ainsi une vision authentique de leur quotidien et de leurs espoirs. Un premier nagazine dédié à cette démarche est téléchargeable gratuitement via ce lien : https://www.nagapanik.fr/nagazine/
Voilà une première synthèse de ma rencontre avec des centaines de jeunes entre16 et 25 ans depuis décembre dans le cadre d’ateliers à Nice et ci-dessous, vous pourrez retrouver deux extraits du recueil disponible en ligne
La vision du travail : entre désillusions et réinvention
Les jeunes interviewés expriment souvent une désillusion face aux modèles traditionnels de travail. Beaucoup dénoncent un système qu’ils jugent rigide, hiérarchique et parfois déshumanisant. Cependant, loin de se résigner, ils imaginent de nouvelles manières de travailler. L’émergence de l’entrepreneuriat, des emplois engagés dans la transition écologique et sociale, ou encore des parcours multiples et flexibles illustre leur désir de redonner du sens à leurs carrières. Leur vision dépasse l’idée de travailler simplement pour subvenir à leurs besoins : ils souhaitent que leur métier reflète leurs valeurs et leur identité.
Une sexualité libérée, mais pas sans défis
En matière de sexualité, ma démarche met en évidence que la jeunesse évolue dans un cadre où les tabous sont peu à peu brisés grâce à une meilleure éducation et à une plus grande ouverture sociétale. Certains jeunes abordent librement des sujets comme la diversité des orientations sexuelles, l’identité de genre ou encore le consentement. Toutefois, ils soulignent aussi les pressions qui subsistent, notamment à cause des standards imposés par les médias ou des images véhiculées sur les réseaux sociaux. L’idée d’une sexualité plus respectueuse, inclusive et éclairée revient fréquemment dans leurs témoignages.
Les réseaux sociaux : entre vitrine et pression sociale
Les réseaux sociaux occupent une place centrale dans la vie des jeunes, à la fois comme outil d’expression et comme source de tension. Ils témoignent de leur ambivalence : ces plateformes leur permettent de se connecter, de s’engager pour des causes et de s’exprimer librement, mais elles amplifient aussi la comparaison sociale, la quête de validation et l’exposition à des discours toxiques. Plusieurs participants soulignent l’importance de réapprendre à se détacher des apparences et de prioriser leur bien-être mental face à ces outils.
Un point commun : le besoin de construire un monde qui leur ressemble
Ce qui ressort de ces témoignages, c’est une volonté commune de transformer les normes sociales et culturelles qui ne leur conviennent plus. Les jeunes interrogés ne se contentent pas de critiquer l’existant ; ils imaginent des solutions, expérimentent et redéfinissent leurs priorités. Que ce soit dans leur vision du travail, leur manière d’appréhender la sexualité ou leur rapport aux réseaux sociaux, ils aspirent à une société plus inclusive, authentique et en harmonie avec leurs valeurs.
En somme, « Reconstruire le Monde » donne une voix à une jeunesse qui cherche à réconcilier liberté individuelle, engagement collectif et épanouissement personnel, tout en naviguant dans un monde en pleine mutation. Ce documentaire est une invitation à écouter, à comprendre et à dialoguer avec une génération qui veut tracer son propre chemin.
La Parole de Noah (25 ans) et son rapport au travail :
Je m’appelle Noah, j’ai 25 ans, et depuis toujours, le travail a été pour moi une façon de m’accomplir, de trouver ma place, de montrer ce que je vaux. Ce n’est pas juste une question de gagner ma vie. J’aimerais pouvoir me sentir fier de mon métier, savoir que je contribue à construire quelque chose de concret. Depuis longtemps, je rêve de travailler dans le BTP. J’aime l’idée de bâtir, de participer à des projets tangibles, de faire partie d’une équipe qui laisse une trace dans le monde réel.
Mais dans ce secteur, j’ai vite compris que ce ne serait pas simple pour moi. Pendant mes stages, l’ambiance était souvent marquée par des blagues lourdes, des remarques homophobes lancées sans gêne. Rien de vraiment dirigé contre moi au début, mais suffisamment pour que je comprenne que je devais me taire, jouer un rôle. J’ai essayé de m’intégrer, d’ignorer, de rire même quand ça me blessait. Mais le jour où on a appris que j’étais gay, tout a changé. Les regards sont devenus plus froids, certains collègues ont commencé à m’éviter, et les remarques se sont faites plus directes, plus blessantes. Ces expériences m’ont marqué, elles m’ont fait comprendre à quel point l’homophobie est ancrée dans certains milieux.
Aujourd’hui, j’ai peur que ce rejet continue, que ce genre d’attitude me poursuive dans chaque entreprise où j’irai. Quand je cherche des opportunités, j’ai toujours cette crainte au fond de moi : est-ce que je serai le bienvenu ? Est-ce que je devrai encore me cacher, faire semblant pour être accepté ? Pourtant, j’ai l’impression que cacher qui je suis, renoncer à une partie de moi, c’est comme me trahir. Et je ne veux pas vivre en me trahissant, surtout pas au travail.
Je rêve de pouvoir évoluer dans un environnement où je pourrais être moi-même sans que ça pose problème. Un lieu où mon orientation ne serait pas un sujet, où je pourrais être jugé pour mes compétences, mon implication, et pas pour ce que je fais en dehors du boulot. Pour moi, le travail devrait être un espace de respect, un lieu où chacun peut se sentir en sécurité. J’aimerais voir un BTP plus ouvert, plus moderne, avec un management qui comprend la valeur de la diversité et qui la protège. Le monde évolue, et je suis convaincu que ce secteur doit aussi changer.
Quand je parle de mes rêves aux conseillers qui m’accompagnent, je sens qu’ils essaient de me soutenir, mais j’entends aussi leurs réserves. Souvent, on me suggère de “rester discret, de “ne pas trop en montrer”. Ça me fait mal d’entendre ça parce que j’ai l’impression qu’on me demande de me censurer pour m’adapter, comme si être moi-même allait forcément poser problème. C’est frustrant, parce que j’aimerais qu’on m’encourage vraiment à aller là où je veux, sans compromis sur mon identité.
Je crois profondément qu’un travail sans discrimination, c’est possible. J’aimerais pouvoir contribuer à cette évolution, montrer que des équipes diverses sont plus fortes, que l’ouverture d’esprit au travail peut vraiment changer la donne. Mon rêve, c’est de voir un BTP où chacun pourrait s’investir sans avoir peur du jugement, où les compétences priment sur tout le reste.
Alors oui, je doute parfois, mais je continue de croire qu’on peut avancer dans cette direction. Je veux trouver une entreprise où je pourrais être moi-même, et je suis prêt à me battre pour cette vision d’un travail respectueux, sans haine ni rejet. Je sais que ce chemin ne sera pas facile, que le BTP a encore du chemin à faire en matière d’inclusion. Mais je suis prêt à m’y engager, à prouver que chacun a sa place et que le respect doit être au cœur de chaque chantier, chaque projet…
La Parole d’Alex et son rapport à l'amour et la sexualité
Je m’appelle Alex, j’ai 24 ans, et je suis aromantique. Je me considère aussi comme non-binaire. Pour moi, tout ce qui touche aux sentiments amoureux, aux “histoires de cœur” comme on dit, c’est quelque chose dont je préfère rester en dehors. Ce n’est pas que je suis contre l’idée de l’amour pour les autres, je comprends bien que beaucoup de gens y trouvent du bonheur, une force même, mais pour moi, cette quête de romance n’a tout simplement pas de sens.
J’ai passé longtemps à essayer de comprendre ce que je ressentais, ou plutôt ce que je ne ressentais pas, face aux attentes sociales qui entourent l’amour romantique. En grandissant, j’ai souvent entendu que la vie n’était pas “complète” sans un partenaire, que le bonheur, la sécurité, passaient par l’amour et la construction de ce fameux “couple idéal.” Mais à chaque fois que je me suis posé la question, je n’ai jamais ressenti ce besoin. Et je me sens bien ainsi, entière sans avoir à rechercher cet aspect de la vie que tant de gens semblent poursuivre.
Pour moi, l’attachement prend d’autres formes. Je ressens un lien profond pour mes amis, pour les gens qui partagent mes valeurs et comprennent mon monde. Je suis très investie dans ces relations, qui sont pour moi aussi importantes que des liens familiaux. Mais ce n’est pas de l’amour romantique, et je n’ai pas cette attirance qu’on appelle “sentiments amoureux”. Et, honnêtement, je n’ai pas envie de les ressentir. L’idée même de devoir me “lier” dans ce sens me paraît limitante, presque étrangère à qui je suis.
Refuser les sentiments amoureux, pour moi, ce n’est pas une fuite, ce n’est pas un rejet par peur de souffrir. C’est simplement que ce type de connexion n’a pas de place dans ma vie. Je trouve une liberté immense dans le fait de pouvoir me concentrer sur mes passions, mes projets, sur ce qui me fait grandir, sans la pression de construire une relation amoureuse.
Je sais que pour beaucoup, l’amour romantique donne un sens à la vie, mais moi, je trouve ce sens ailleurs, dans mes propres explorations et dans les liens qui, pour moi, sont plus intenses et profonds sans qu’il y ait cette attente romantique.
Cela me permet de rester fidèle à moi-même, de ne pas me conformer à des attentes qui ne me correspondent pas. Je suis heureuse comme je suis, et je pense qu’il est important d’accepter que chacun ait sa propre façon de voir les choses, de ressentir – ou de ne pas ressentir – ce qui lui semble essentiel.
En fin de compte, mon refus des sentiments amoureux, c’est aussi une manière de me respecter, d’être en paix avec moi-même, sans chercher à entrer dans un moule. Pour moi, la vraie liberté, c’est d’assumer ce que je suis sans compromis.
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