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Média participatif et citoyen, dont le but est de donner la parole à celles et ceux qu'on n'entend pas ou peu

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Billet de blog 16 janvier 2025

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Nagazine MeToo, la parole aux victimes et à ceux qui les défendent

Ce fanzine engagé offre un espace d’expression libre aux victimes de violences sexuelles. Cette édition téléchargeable gratuitement met en lumière le témoignage exclusif d’un cadre dénonçant des agressions au sein de son travail, brisant ainsi l’omerta d’un système élitiste. À travers témoignages, analyses et créations artistiques, le fanzine sensibilise et rappelle la triste réalité.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans le cadre de notre projet Reconstruire le Monde, nous mettons en valeur la parole des victimes de violences sexuelles, cela sera un des thèmes que nous allons développer dans nos documentaires, ateliers et vidéos.

En parallèle de cet article et du fanzine à télécharger gratuitement sur notre site : https://www.nagapanik.fr/nagazine/

Retrouvez notre podcast MeToo sur YouTube :

https://youtu.be/N0xNu5QdyZA?feature=shared

et notre mini-documentaire :

“Du Consentement”

https://youtu.be/vesI9RIXwOI?feature=shared

Présentation du Fanzine : Le Nagazine Me-Too, Reconstruire le Monde : Briser le Silence

Dans la lignée du mouvement MeToo, Il s’agit d’un fanzine engagé, conçu comme un espace d’expression libre pour les victimes de violences sexuelles et de harcèlement. Ce fanzine vise à amplifier les voix étouffées et à dénoncer les abus systémiques, même dans des milieux perçus comme intouchables, tels que les institutions artistiques.

Focus Thématique : Révélations sur un Lieu Artistique Niçois

Cette édition met en lumière un témoignage exclusif et percutant d’un ancien cadre ayant travaillé au sein d’un lieu artistique prestigieux de Nice. Cet individu brise le silence et révèle des agressions passées, perpétrées par des figures d’autorité protégées par leur statut et l’omerta qui règne dans cet univers. Ce témoignage, anonymisé pour protéger les victimes, met en lumière les rouages d’un système qui favorise l’impunité et illustre la nécessité d’un changement structurel profond.

Un Engagement Collaboratif :

Nous vous invitons à contribuer anonymement pour partager leurs expériences ou proposer des œuvres artistiques. Chaque numéro est un manifeste collectif pour la justice et la transparence.

L’objectif : briser les chaînes du silence et bâtir une communauté solidaire qui refuse l’impunité.

Voilà le témoignage de cet ancien cadre :

TÉMOIGNAGE D’UN ANCIEN CADRE : " J’AI VOULU FAIRE CE QUI ÉTAIT JUSTE, MAIS CELA M’A COÛTÉ TOUT "

"Je m’appelle Marc (le prénom a été modifié), et jusqu’à récemment, j’étais administrateur d’un grand centre artistique niçois. Pendant près de cinq ans, j’ai travaillé à promouvoir la culture, à encadrer des équipes, et à faire vivre cet espace où public, artistes et employés pouvaient collaborer dans un esprit de créativité. J’aimais profondément mon métier, mais aujourd’hui, je n’ai plus rien. Ni carrière, ni réputation, ni espoir. Tout cela parce que j’ai voulu défendre des victimes.

Tout a commencé lorsque plusieurs jeunes collaboratrices (employées, stagiaires, volontaires en service civique) sont venues me parler. Elles étaient effrayées, certaines tremblaient en m’expliquant ce qu’elles vivaient. Elles subissaient des comportements ignobles de la part d’un supérieur hiérarchique, quelqu’un de bien plus influent que moi, mais aussi d’employés. Harcèlement verbal, humiliations répétées, tentatives de viol, attouchements, agressions sexuelles et pour certaines, des actes bien plus graves que je peine encore à nommer. J’ai été bouleversé par leurs récits.  

Quand les premières jeunes employées sont venues me voir, j’ai tout de suite compris que leurs mots étaient chargés de douleur. Elles étaient brisées, épuisées, comme si elles portaient le poids du monde sur leurs épaules. Certaines hésitaient, tremblaient en parlant, comme si elles redoutaient chaque mot qui sortirait de leur bouche. L’une d’elles, que je nommerai Julie (prénom modifiée), n’a même pas pu parler au début : elle s’est simplement effondrée en pleurant dans mon bureau.  

Julie avait à peine 19 ans. C’était son premier emploi, un rêve pour elle de travailler dans un centre artistique aussi réputé. Mais ce rêve avait tourné au cauchemar. Elle subissait un harcèlement incessant de la part de son supérieur hiérarchique, un homme charismatique et influent que tout le monde admirait en public. Il la convoquait dans son bureau pour des réunions inutiles où il s’approchait trop près, lui murmurait des choses insidieuses à l’oreille, posait ses mains là où elles n’avaient rien à faire. Et lorsqu’elle refusait ses avances, il la ridiculisait devant ses collègues.

D’autres jeunes femmes sont venues ensuite. Leur récit était différent dans les détails, mais le schéma restait le même. Certaines étaient harcelées psychologiquement, d’autres verbalement, et pour quelques-unes, cela avait franchi des limites bien plus graves. Une employée, que j’appellerai Léa, m’a confié qu’après une soirée organisée par le centre, elle s’était retrouvée seule avec un homme, le barman. Ce qu’il lui a fait cette nuit-là, elle l’a raconté en tremblant, les yeux rivés au sol, comme si le simple fait de prononcer les mots la brisait à nouveau.  

Elles étaient terrorisées. Pas seulement par ce qu’elles vivaient, mais par l’idée de parler. « Personne ne nous croira », disait l’une d’elles. « Ils sont puissants, tout le monde les aiment. » Une autre m’a avoué qu’elle avait déjà essayé d’en parler à un collègue plus âgé, qui lui avait répondu que « ces choses-là arrivent dans tous les milieux », et qu’elle devait apprendre à « être plus forte ». Elles n’avaient confiance en personne.  

Quand elles sont venues me voir, c’était un acte de désespoir. Mais elles ont senti que je les écoutais, vraiment. Que je ne les jugeais pas, que je ne cherchais pas d’excuses à celui qui les maltraitait. Alors, petit à petit, elles m’ont confié leurs histoires. Ce fut un déluge de récits bouleversants, comme si elles libéraient enfin un poids qu’elles avaient porté seules pendant trop longtemps.

En tant que cadre, mais surtout en tant qu’être humain, je ne pouvais pas détourner le regard. J’ai essayé de suivre la procédure : signalements, réunions avec la direction, courriers officiels, préparation des plaintes. Mais très vite, j’ai senti que les choses tournaient mal. On m’a fait comprendre que ce n’était pas mon rôle, que ces « accusations » risquaient de nuire à l’image du centre et de la ville.  

Puis, les menaces ont commencé. Subtiles au début : des remarques ironiques en réunion, des dossiers « oubliés » sur mon bureau. Ensuite, c’est devenu plus brutal. On m’a accusé de créer un climat de tension, de semer la zizanie. Un jour, j’ai même trouvé une lettre anonyme dans sur mon bureau me conseillant de « rester à ma place » si je tenais à ma carrière.  

Mais je n’ai pas cédé. J’ai continué à soutenir ces jeunes femmes, même si elles étaient terrorisées à l’idée de témoigner officiellement. Et c’est là que ma vie a commencé à se défaire. Petit à petit, mes collègues se sont éloignés. Certains m’évitaient, d’autres murmuraient dans mon dos. Je devenais « celui qui faisait des histoires ».  Autre chose encore plus étrange, je me sentais jour après jour de plus en plus mal. La routine était qu’à mon arrivée, le responsable de l’espace accueil me servait un café et puis peu de temps après je commençais à avoir des visions, des hallucinations et des malaises…

Une chose à savoir :

Dans le milieu artistique et associatif niçois, beaucoup d’organisations reposent sur des relations personnelles, des réseaux d’influence et des cercles restreints. Les directeurs d’institutions, les artistes reconnus, et même certains mécènes ou responsables associatifs sont souvent perçus comme intouchables. Leur réputation, bâtie sur des années de collaborations et de soutiens financiers, les protège. Ils occupent une place centrale dans l’écosystème culturel, où leurs décisions peuvent déterminer l’avenir professionnel des autres.  

Ainsi, dénoncer quoi que ce soit, surtout lorsque l’auteur des faits est une figure influente, revient à se heurter à un mur invisible mais solide. Les victimes savent qu’en brisant cette loi du silence, elles risquent non seulement de perdre leur emploi, mais aussi d’être exclues du milieu artistique niçois tout entier. Leur carrière peut être brisée en un instant par une simple rumeur ou une porte qui se ferme.  D’ailleurs, aucune de ces victimes n’a eu un avenir dans la profession, elles ont été renvoyées, même leurs familles ont été menacées et elles n’ont plus osé plus osé porter plainte, la peur a pris le dessus.

Ainsi, la direction constatant cela, au lieu de prendre mes signalements au sérieux, a retourné la situation contre moi. On m’a reproché des « comportements inappropriés » sans jamais préciser lesquels. On a ouvert une enquête interne biaisée, où je n’ai jamais eu la possibilité de me défendre correctement. Bien évidemment, je me suis écroulé physiquement et mentalement, maladies... Et c'est à ce moment là qu'on m’a convoqué pour m’annoncer mon licenciement pour « faute grave », un prétexte fallacieux basé sur des accusations inventées et diffamantes.  

Mais ce n’est pas seulement ma carrière qu’on m’a enlevée. C’est ma dignité. J’ai été moqué, humilié publiquement. Les rumeurs ont circulé, et même ceux qui auraient dû me soutenir m’ont tourné le dos.

Les humiliations se sont aussi manifestées dans ma vie quotidienne. Des anciens collègues me croisaient et détournaient les yeux. D’autres, plus cruels, se permettaient de m’interpeller en public avec des remarques sarcastiques. Une fois, alors que je faisais mes courses, quelqu’un m’a hurlé que j’étais une honte, devant tout le monde.  À cela s’ajoute, les piratages informatiques, les lettres anonymes, les appels anonymes, les menaces de mort, les diffamations…  

Aujourd’hui, je vis reclus, brisé. Je ne sors presque plus, je n’ai plus confiance en personne. Je fais des cauchemars, des hallucinations, je me repasse chaque détail en boucle, en me demandant si j’aurais pu faire autrement. J’ai sacrifié tout ce que j’avais pour défendre ce que je croyais juste, et j’ai été détruit pour cela.  

Je ne sais pas si je retrouverai un jour la force de me relever. Mais au fond de moi, malgré tout, je sais que je referais les mêmes choix. Parce qu’il faut avoir le courage de protéger les autres, même si cela signifie perdre tout.…"

Prise de parole et retranscription par Laura Hurt, Journaliste

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© LAURA HURT

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