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Billet de blog 19 février 2025

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L’entretien avec Laura Hurt pour son nouveau livre augmenté « EMI »

Découvrez "EMI", le nouveau roman jeunesse de Laura Hurt, qui nous invite à nous questionner sur les différences et sur la place des technologies et de l'Intelligence Artificielle dans nos sociétés futures. Un sujet d'actualité traité de manière originale, qui ne manquera pas de vous surprendre ! Et il n’y a pas que le livre, il y a aussi un album musical !

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Entretien avec Laura Hurt, docteure en lettres et journaliste, auteure du roman “EMI”

Illustration 1
© Laura Hurt

Laura, vous êtes docteure en lettres et journaliste. “EMI”, c'est votre nouveau roman, une "fiction graphique", comme vous l'appelez, qui se passe en l'année 2121. Dans un peu moins de 100 ans donc, notre vie sera dictée par l'utilisation des filtres, qui permettra de masquer, au-delà de nos "défauts physiques", la réalité d'une planète détériorée par les catastrophes écologiques. Dans ce monde de faux, notre héroïne, Emi, se sent en décalage avec sa propre génération qui se complait dans cette recherche éperdue de perfection. Elle, recherche l'authenticité et se découvre des pouvoirs étonnants dont elle prend petit à petit possession. C'est sans compter sur son ennemie Dolos, qui tente de l'en empêcher… Déjà, est-ce que vous êtes d’accord avec ce résumé ?

Laura Hurt : Absolument, c’est parfait !

La grande particularité de ce livre en est peut-être d'abord sa forme : "Emi" est un roman de science-fiction jeunesse totalement illustré, présenté sous forme d'un journal racontant les journées de notre jeune protagoniste.  Pourquoi avoir adopté ce format ?

Laura Hurt : Alors, je sais pas si c’est l’histoire qui a commandé aussi ça. On a travaillé à plusieurs, on a réfléchi longtemps pour trouver un format adéquat. On aurait pu ne pas l’illustrer. On aurait pu juste écrire l’histoire telle qu’elle est, mais il manquait quelque chose quoi. Et en fait au plus on avançait, au plus on a commencé à faire des dessins, des maquettes … Et l’univers prenait forme. A force de faire le plan de la ville, on se dit “il faut faire le plan de la ville” Et puis en fait finalement on le dessine, on le conceptualise et puis on a envie qu’il existe. Donc on a envie de le mettre. Après on est entre le roman graphique et un manga : mais c’est ni vraiment un roman graphique, ni une BD. C’est un format nouveau, puisqu’on a utilisé aussi l’IA pour certaines photos et certains visuels. Et le journal intime, c’est ce qui nous a paru le plus pertinent pour raconter l’histoire d’Emi et l’histoire de son monde. C’est en fait le journal intime raconté par une intelligence artificielle : chaque personne est enregistrée, toute sa vie est archivée, au fur et à mesure du temps qui passe. Donc c’est HYRLA, l’intelligence artificielle, qui archive nos vies et qui les retranscrit. EMI nourrit ce journal de sa propre vie, et l’intelligence artificielle va la retranscrire à la troisième personne, de cette façon-là. Et en même temps, c’est comme si Emi avait dessiné dans ce journal : on a gardé un peu le côté “écriture à la main”, griffonnage… Par exemple, il y a une photo - je ne sais pas si on pourra encore appeler ça une “photo” en 2121 - de son amoureux, Alexa. Sur le visuel d’Alexa, on a rajouté des petits coeurs, “My love”... Comme si elle avait elle-même ajouté des choses. A un moment, il y a son ennemie aussi qui apparaît dans ce journal, et sa tête est barrée. Donc il y a le côté organique, très humain, et en même temps c’est généré par une IA. C’est pour ça qu’à la fin de chaque chapitre, il y a marqué “retranscription journalière”...

Donc la narration est faite par l’IA qui s’appelle HYRLA ?

Laura Hurt : C’est ça. C’est HYRLA qui contrôle les puces qui sont implantées dans chaque personne à la naissance et qui font que les filtres peuvent fonctionner et que le monde soit entièrement sous filtre, entièrement sublimé, magnifié et caché. Donc évidemment, on a compris que c’est une extension du monde d’aujourd’hui, de ce qui pourrait être demain… ou pas! Mais ça peut. C’est la base de toute la science-fiction. On extrapole jusqu’au plus qu’on peut.

Quelles ont été vos inspirations pour l'écriture de ce roman de science-fiction ?

Laura Hurt : Elles ont été multiples. Moi je suis une grande fan de Philippe K.Dick qui a influencé énormément la science-fiction et les films. Beaucoup de films de science-fiction qu’on voit au cinéma aujourd’hui sont des écrits de Philippe K.Dick. Mais on ne sait pas que c’est de lui. Ou c’est écrit peut-être en petit à la fin des génériques… Par exemple, le film “Minority report”, c’est Philippe K. Dick à la base. J’ai adapté moi-même un roman de Philippe K. Dick en pièce de théâtre qui s’appelle “Ubik”, moi je l’ai appelé “Panik”. Donc Philippe K. Dick est l’une de mes plus grandes influences, après il y a tous les films, des auteurs, des livres, des films, des séries…

Et quel a été le processus d’écriture pour écrire Emi ?

Laura Hurt : Il y avait d’abord la trame : l’idée de l’histoire d’Emi, le monde futuriste, les filtres, qui étaient là depuis le début. Mais il fallait créer tout l’univers. On a travaillé avec des équipes de jeunes gens, étudiants d’université, puisque j’enseignais à l’université et j’avais des étudiants qui voulaient travailler sur des projets concrets. Ont émergé des réflexions à plusieurs, des réflexions sur des processus de création. Par exemple : “Toi, comment tu vois ce personnage là?”. Et on imaginait comment se passerait la fête d’Halloween dans l’univers d’Emi. C’était aussi des choix de noms: tel quartier de la ville etc. Il y a eu cette influence-là sur le processus créatif, mais également sur les visuels: on s’échangeait des conseils, des inspirations. Par exemple sur le choix de la couverture: ça a été beaucoup de discussions. On en a créé énormément, avec beaucoup de styles différents. Le choix final de la “Emi” telle qu’on la voit là, dans son univers bleu et rose, ce n’est pas moi qui l’ai choisie, moi j’avais une autre inspiration... Mais je faisais vraiment confiance aux étudiants. Il y a besoin qu’il y ait un ancrage très actuel, vu que c’est un roman jeunesse, à partir de 11-12 ans.

Illustration 2
© Laura Hurt

Donc ce groupe d’étudiants vous a apporté des propositions d’amélioration, pour le reste c’est vous qui avez tout écrit ?


Laura Hurt : Oui, ils ont apporté des choses plutôt dans les détails. Sur le plan de la ville par exemple, ou encore le nom de la première école d’Emi, que l’on a décidé d’appeler la “Juls Academy”, en référence au rappeur, comme si c’était une école “nulle”. Elle se fait virer d’ailleurs de cette école. Donc c’est des petits détails dans l’histoire, des ajouts si tu préfères. Il y a la trame de l’histoire : Emi qui va à l’université, qui rencontre Alexa, qui discute avec Dolos etc. Plus tard on verra qu’elle a ses trois mamans. Et eux ont fait des ajouts par dessus ça, ils ont peaufiné l’histoire. Ils ont ajouté de “l’aujourd’hui pour parler du demain”. Par exemple, le mot “slay” dans l’un des passages, ce n’est pas un mot que j’utilise au quotidien…


Le texte était déjà prêt à cette période-là donc ?


Laura Hurt : Oui le texte était déjà prêt, il a juste été légèrement retouché. Et là il y a le tome 2, et le tome 3 qui sont presque prêts…

Ça, c’était ma dernière question ! Le roman nous amène à réfléchir sur l'acceptation de soi et de la réalité qui nous entoure. "Emi" extrapole la mise en scène de nos vies, déjà présente / représentée sur les réseaux sociaux, à une mise en scène devenue permanente et nécessaire, pérennisée par l'implantation d'une nanopuce contrôlant notre cerveau dès la naissance.  Pourquoi s'obstine-t-on à masquer la réalité plutôt que de l'affronter selon vous ?

Laura Hurt : Parce qu’on est en crise de la vérité surtout. J’ai fait pendant plusieurs années des ateliers d’éducation aux médias à l’information auprès de jeunes, principalement des collégiens, en bibliothèques aussi avec des ateliers. Il y a toute la réflexion sur internet, plus précisément sur les réseaux sociaux : qu’est ce qu’on voit, qu’est ce qu’on perçoit, pourquoi, comment … Il y avait des modules où ils devaient s’interroger : c’est vraiment la question du vrai et du faux, qu’est ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux? Et pourquoi telle personne fait du faux à ce point-là ? Après on revient toujours à une réflexion assez basique: si les personnes font du faux sur les réseaux sociaux, c’est pour faire de l’argent. Il y a pas trop de question éthique. J’avais d’ailleurs été amenée à interviewer une influenceuse qui vendait des produits, et elle n’avait aucune réflexion éthique sur son travail. Pour elle, il n’y avait aucun problème à se mettre en scène pour vendre quelque chose, il n’y a pas de réflexion éthique. Moi je remets de l’éthique dans tout ça, je repose des questions sur la société : le vrai, le faux… Le vrai quoi, la vérité. La vérité aujourd’hui c’est quelque chose… Si on part dans les complotistes, on nous cache la vérité. On nous le dit tout le temps. Ou on va dans X-files: “la vérité est ailleurs”. Ça peut être ça aussi. Il y a vraiment une crise du sens aujourd’hui. C’est vraiment important de reposer la question. Au quotidien, quand on dit la vérité à quelqu’un, on passe pour quelqu’un de bizarre, d’intrusif, on est dans un monde comme ça qui est très distant les uns des autres.


Il faut enrober les choses.


Laura Hurt : Tout le temps, c’est ça, on le fait tous. Emi questionne un peu ça. Tout le monde ment, mais c’est obligatoire. Le personnage d’Emi est un peu décalé, et elle, elle se pose justement ces questions. Dans le roman, on lui demande: “Et toi, comment tu vas t’habiller aujourd’hui, comment tu vas te filtrer?”. Et elle dit: “Oh non mais moi, de manière hyper simple, j’ai pas envie d’en faire trop”. Elle essaye d’être elle-même dans un monde qui est hyper compliqué, hyper filtré. Où tout le monde se cache sans cesse. Et elle, elle recherche justement les rapports sincères et réels, avec ses camarades, avec son entourage. C’est son moteur.

Enfin, "Emi" se termine sur une scène qui nous laisse en suspens... Faut-il s'attendre à une, ou plusieurs suites ? Il y a aussi un album, non ?

Laura Hurt : Il y a le tome 2 en préparation, et puis le tome 3. L’album musical THE  BOOK OF EMI est disponible sur toutes les plateformes de musique. Et Oui bien-sûr il y aura une suite. On va déjà faire exister le tome 1. Et le tome 2 sortira très bientôt, puisqu’Emi va rencontrer… Attends, là, c’est spoil non ?


Ah ben oui un peu !


Laura Hurt :  Emi va rencontrer le monde des “sans filtres". Parce qu’il y a quand même un monde souterrain, des “rebelles”, soit qui sont nés sans puce, ou qui se sont enlevés leur puce et qui ne veulent pas vivre dans ce monde. On voit le visuel d’Emi : hyper coloré, à base de rose, de bleu, de couleurs qui pètent, pétaradantes, très criardes, très éclatantes… On imagine que le monde des rebelles est un monde où il y a moins de couleurs … Et encore une fois on fait le parallèle avec la vérité, le faux et le vrai : est-ce que le faux est plus brillant, plus attrayant ? Le vrai est moins scintillant, moins flatteur … On rentre dans des réflexions philosophiques; le blanc, le noir, le haut, le bas… Où trouver le juste milieu aristotélicien ?


Est-ce que vous qualifieriez le roman de philo-fiction ? J’ai trouvé ce terme dans un article du monde récemment (source : https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2025/01/02/entyre-dystopie-et-utopie-nous-vivons-dans-un-monde-de-science-fiction-entretien-avec-ariel-kyrou-auteur-de-philofictions-des-imaginaires-alternatifs-pour-la-planete/ )


Laura Hurt : Oui ça peut! Mais adapté au roman jeunesse, puisque c’est un roman destiné à la jeunesse. Mais oui, carrément.

Fin de l’entretien

Laura Hurt est handicapée visuelle, artiste-chercheuse, Docteure en Lettres et journaliste. Activiste LGBTQIA+, spécialiste des Écritures du Réel, elle développe avec le projet pluriforme EMI, une réflexion autour de notre rapport à la différence, aux Réseaux Sociaux et à l’I.A. 

Présentation synthétique du livre EMI :

APRÈS UN DÉSASTRE ÉCOLOGIQUE IRRÉVERSIBLE, IL A ÉTÉ DÉCIDÉ DE TOUT SUBLIMER PLUTÔT QUE DE RÉPARER. EMI VIT DANS UN MONDE OÙ RIEN N'EST RÉEL, LES I.A GÉNÉRATRICES ONT UNE PART OMNIPRÉSENTE DANS LE QUOTIDIEN DE TOUS. CHACUN PEUT SE MONTRER AUX AUTRES SELON SES ENVIES. TOUT EST FILTRÉ, DE L'APPARENCE À LA NOURRITURE EN PASSANT PAR LES BÂTIMENTS. ELLE INTÈGRE UNE NOUVELLE UNIVERSITÉ ET SON PARCOURS VA ÊTRE MOUVEMENTÉ. L'AUTHENTIQUE EMI NE S'EST JAMAIS SENTIE À L'AISE DANS CET UNIVERS OÙ RÈGNE LE PARAÎTRE. COMMENT DÉCRYPTER LE VRAI DU FAUX DANS UNE RÉALITÉ QUI DYSFONCTIONNE ? EMI EST UN OUVRAGE D'ANTICIPATION SUR LA VÉRITÉ, LA DIFFÉRENCE ET LA PERCEPTION DE SOI.


Album THE BOOK OF EMI  :

Illustration 3
© Laura Hurt

EXPÉRIENCE NON CONVENTIONNELLE, LAURA HURT REDÉFINIT LES CONTOURS D'UNE LIBERTÉ SONORE ET ARTISTIQUE. L'ENJEU EST DE CRÉER UNE SORTE DE DIRTY FRENCH TOUCH, WEIRD ELECTRO, FRINGE MUSIC

Disponible sur toutes les plateformes numériques musicales (Spotify, Deezer, Amazon Music, Apple Music, YouTube…)

Lien de téléchargement gratuit Bandcamp : 

https://laurahurtftthesalopanik.bandcamp.com/album/the-book-of-emi 

Les liens vers des vidéos présentant l’ouvrage et son univers ainsi que les clips extraits de l’album :

PLAYLIST YOUTUBE : VIDEOS PROMOTIONNELLES DU LIVRE “EMI” : 

https://www.youtube.com/watch v=vesELFaZuiA&list=PLS7Br7OIReSH3vYADkvdZhooxOUaM3fnx&pp=gAQB

LIEN PLAYLIST YOUTUBE - LES CLIPS DE L’ALBUM “THE BOOK OF EMI” :

https://www.youtube.com/watch?v=VsPpIqlqgwE&list=PLS7Br7OIReSGf_qkN7IMJAmGes9mhsh49&pp=gAQB


Et le dossier de presse présentant ce projet pluriforme que vous pouvez télécharger sur notre site : https://www.nagapanik.fr/emi/

Pour tout contact :

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