Nancy Bélart

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Billet de blog 8 avril 2016

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Histoire vraie à Calais par 2° pluie g glaçante et vent fort...

Voici une histoire vraie, terrifiante, où est le coeur d'une grande partie des calaisiens?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

histoire vraie:

Samedi 28/11/15  vers 10h 30, mon compagnon et moi sommes passés par le rond-point des urgences de l'hôpital de Calais  pour aller faire un tour chez Emmaüs; de loin, je voyais comme un vêtement bleu azur s'agiter dans l'herbe ... Les automobilistes nombreux passaient sans s'arrêter... En nous engageant dans le rond-point,  j'ai vu que ce vêtement bleu azur était habité par un homme, jeune, pieds et jambes nus , dans l'herbe glaciale, et tendant désespérément les mains  sa bouche suppliant : " go to jungle, go to jungle ". J'ai hurlé à Phil de s'arrêter, mais en pleine circulation... Alors nous avons fait un détour et repris la route dans l'autre sens . L'homme était toujours là. Nous l'avons fait monter, il remerciait, les mains sur le cœur. Puis : "go to jungle, go to jungle" suppliait-il.

Pourtant il ne parlait pas anglais : "kurdish, Irak" répétait-il. Glacé, tremblant, grelottant, il nous a fait confiance, il est monté dans la voiture.

Nous lui avons vite acheté des chaussures, chaussettes, écharpe et gants. Ne connaissant pas bien la jungle, nous l'avons ramené à la maison. Il a pris une douche, j'ai lavé ses vêtements: un pauvre blouson crasseux, un tee-shirt tout fin  et un short de bain .

Dans ses poches, rien si ce n'est un bracelet d'hospitalisation, des pansements de prise de sang , des patchs usagés d'électrocardiogrammes.

Oui c'était bien un homme dans le blouson bleu azur...  Yacine Y., 19 ans depuis septembre, deux yeux verts terrifiés, le corps tout menu d'un enfant stoppé en pleine croissance par la folie humaine , et dont d'autres humains se sont débarrassés en lui apprenant ces mots "GO  TO JUNGLE"...

Il a accepté un verre d'eau, nous lui avons trouvé des vêtements bien chauds, il s'est assis grelottant, épuisé et soudain les larmes ont jailli, j'ai posé ma main sur son épaule et il s'est blotti contre moi en pleurant.

Puis furtivement, il a essuyé ses yeux et s'est mis à écrire sur un bout de papier qui traînait sur la table. Je ne sais pas ce qu'il a écrit mais il a signé et dessiné un petit coeur barré d'une flèche. Oui Yacine l'amour est une langue universelle...

Il ne connaissait personne à Calais ni à la jungle et j'ai du le conduire là-bas comme il le voulait, comme s'il pensait y trouver le paradis.

J'ai honte, j'ai honte...

Nancy

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