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Billet de blog 12 février 2016

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SHOAH DE CLAUDE LANZMANN

Revoir "Shoah" de Claude Lanzmann 30 ans après.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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Je profite de sa rediffusion sur une chaîne du câble pour redécouvrir  "Shoah" de Claude Lanzmann. Je n'avais pas revu le film depuis sa sortie il y a trente ans, en 1985. Je me souviens d'une journée entière (le film dure plus de 9 heures) passée seul (la durée avait effrayé tout le monde) dans une salle de cinéma du Quartier Latin à affronter ce très gros morceau d'histoire contemporaine, à l'époque encore largement méconnu dans son déroulement  par le plus grand nombre. Je trouve que le film n'a rien perdu de sa force et de son exceptionnel pouvoir d'évocation, mettant à son service pour cela aussi bien son extrême lenteur que son parti-pris systématique pour le témoignage direct des acteurs de l'époque (bourreaux comme victimes).

A l'inverse son actualité ne m'apparaît plus évidente, peut-être parce que depuis 30 ans beaucoup de choses se sont dites et se sont transmises sur ce thème et que ce qu'il y avait d'inattendu dans sa projection à disparu (on serait même aujourd'hui plutôt dans le trop plein).

Parcourir de nouveau le chemin des déportés juifs vers la mort et l'obstination fébrile de Lanzmann à redécouvrir leurs traces ("J'ai tourné dit-il dans un état d'hallucination extrême") me rappelle les recherches que j'ai effectué sur la famille B. (l'hallucination en moins), son parcours de la Pologne à Paris dans les années 30 pour un retour final forcé en Pologne et sa disparition à Auschwitz, en 1942. Mêmes interrogations sur le comment du déroulement des choses plutôt que sur leur pourquoi, mêmes traces effacées des persécutions et des assassinats nécessitant de longues et incertaines recherches au plus près des lieux et des personnes concernées, même arrière-goût d'étrangeté inévitablement produit par leur disparition aussi subite que violente.

Reste au milieu de la désolation générale une trace écrite, parfois rédigée directement par un membre de la famille, plus souvent par un fonctionnaire-bourreau, de rares photographies prises avant et pendant l'Occupation, les souvenirs opaques et brouillés d'un contemporain devenu très vieil homme et les quelques marques d'intérêt et d'évocation soutenue que nous nous pouvons  leur accorder si nous le voulons bien, comme le fait résolument Claude Lanzmann dans son film interminable comme la mémoire.   

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