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J'aime beaucoup cette photographie. Je la trouve très émouvante. Elle a été prise dans le ghetto de la ville de Lodz en Pologne durant l'Occupation allemande par Henryk Ross, photographe officiel du Conseil juif du ghetto.
J'ai mis un certain temps à identifier le pays qui apparaît sur la carte géographique. Je pensais au début qu'il s'agissait d'un territoire de l'Europe de l'Est, entre la Pologne et ce qui était encore à l'époque l'URSS. Mais n'arrivant pas à m'y retrouver dans mes repères scolaires de la région j'ai finit par comprendre que je faisais fausse route et qu'il fallait chercher au-delà des mers et du continent européen, du côté du Proche-Orient et de la Palestine mandataire britannique, dans ce qui peu à peu devenait le nouveau Foyer national juif.
L'émotion (ce que Roland Barthes appelait le "punctum" émotionnel d'une photographie qu'il distinguait de son "studium" explicatif ) naît ici du contraste entre ce que nous savons aujourd'hui de la situation désespérée des juifs de ce ghetto (ils finiront tous par être déportés et assassinés dans les camps de la mort de Belzec et de Chelmno) et ce vers quoi ils semblent encore espérer pouvoir s'échapper du côté d'une terre promise et sécurisante.
L'enfant montre du doigt sur la carte une ville très précise que fixe également son institutrice. Il s'agit de Haïfa, cité portuaire en plein développement à l'époque et porte d'entrée maritime de toute une population juive européenne fuyant les persécutions.
Soudain, par la magie quasi hallucinatoire d'une photographie prise il y a plus de 70 ans, nous avons l'impression de partager un moment commun avec eux, fait d'espérance et d'avenir, avec un enfant au tableau que nous imaginons studieux et intimidé comme nous le furent nous-même jadis en pareille circonstance et une institutrice au visage grave lui désignant du regard l'issue de secours qui les attend et qui ne viendra pas.