Des Nord-Coréens forcés de travailler sur des bateaux de pêche chinois
Un rapport publié lundi montre qu'en violation des interdictions imposées par l’ONU, des Nord-Coréens sont recrutés sur des bateaux de pêche chinois et sont victimes de travail forcé depuis de nombreuses années.
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Image issue d’une vidéo publiée par Environmental Justice Foundation, dans laquelle il est dit qu’un Nord-Coréen victime d’une blessure à la tête reçoit des soins sur le bateau chinois où il travaille
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Un rapport détonnant
Le rapport publié lundi par l’ONG britannique EJF (Environmental Justice Foundation) a eu un effet retentissant. L’ONG britannique spécialisée dans les questions environnementales et les droits humains a révélé que des Nord-Coréens étaient les victimes d’esclavage moderne sur les bateaux de pêche chinois qui les employaient, malgré les interdictions imposées par les Nations Unies.
Comme l’explique The Guardian, ce rapport est le fruit d’un travail de longue haleine, mené par l’ONG sur 12 bateaux de la flotte thonière chinoise opérant dans l’Océan Indien entre 2019 et 2024. Pour identifier les équipages nord-coréens, l’ONG a eu recours à des photos, des vidéos et des interviews réalisées avec 19 Indonésiens et Philippins travaillant à leurs côtés.
France Info précise que le Conseil de sécurité de l’ONU a pris en 2017 une résolution interdisant le recours à la main-d’oeuvre nord-coréenne par les Etats membres, afin de ne pas contribuer au financement du programme nucléaire et balistique de Pyongyang. Alors même que cette résolution a été soutenue par la Chine, comme le rappelle le média français, le rapport montre non seulement que les travailleurs nord-coréens sont largement présents sur les bateaux chinois mais qu’ils subissent une exploitation particulièrement grave.
Un travail forcé institutionnalisé
The Guardian relaye des témoignages évoquant le cas de travailleurs retenus en mer pendant 10 ans, empêchés de débarquer pour ne pas signaler leur présence dans les ports étrangers. Ils devaient soit rester à bord soit quitter le navire en passe de débarquer pour en rejoindre un autre en mer.
Le journal souligne que le recours à la pratique du transbordement démontre que les capitaines et propriétaires des navires de pêche avaient conscience du caractère illégal de l’utilisation de la main d’œuvre nord-coréenne. Le quotidien britannique rappelle d’ailleurs qu’en 2022, des Nord-Coréens et un capitaine de bateau chinois avaient été arrêtés sur l’île Maurice pour ne pas avoir déclaré l’entrée de Nord-Coréens dans le pays.
ABC News rapporte aussi que les équipages nord-coréens n’avaient pas le droit d’utiliser leur téléphone portable pour contacter leur famille. RFI révèle d’autres indicateurs de travail forcé comme la tromperie sur les salaires, la rétention de documents, les violences physiques et verbales.
Le média précise enfin que l'illégalité du travail s'étend à la nature-même des activités : sur 5 des 12 navires épinglés par l’ONG, les Nord-coréens étaient impliqués dans l’aileronnage de requins et la capture de dauphins.
Comme l’indique France Info, le travail forcé dont sont victimes les Nord-Coréens est largement institutionnalisé : Pyongyang envoie ses ressortissants en Chine et en Russie et prélève 90% de leurs salaires. Un pêcheur indonésien a confié au Guardian les paroles d’un ami nord-Coréen avec qui il travaillait : pour éviter la conscription, il n’y a que deux possibilités, soit travailler dans les exploitations agricoles ou les entreprises d’Etat, soit s’engager dans des bateaux de pêche chinois. Le Nord-Coréen a expliqué qu’en 7 ans de travail, lui et sa famille n’avaient rien perçu mais que le gouvernement lui construirait une maison à son retour au pays. Il a poursuivi en disant qu’il n’était pas satisfait de cet arrangement mais qu’il n’avait pas d’autre choix.
Une violation des interdictions internationales
Comme les revenus tirés du travail des Nord-Coréens à l’étranger sont susceptibles de financer le programme nucléaire de Pyongyang, le recours à cette main-d’œuvre fait l’objet de plusieurs interdictions. The Guardian les rappelle concrètement : les pays membres des Nations Unies et de l’Union européenne n’ont pas le droit de délivrer des permis de travail à des ressortissants nord-coréens ; tout pays membre des Nations Unies a l’interdiction d’importer des produits de la mer en provenance de Corée du Nord ou fabriqué par des ressortissants nord-coréens ; tout pays membre devait également avoir expulsé les Nord-Coréens travaillant sur son sol à la fin de l’année 2019.
ABC News ajoute que la Chine a utilisé son droit de veto pour bloquer des tentatives américaines destinées à renforcer les sanctions à l’encontre de la Corée du Nord.
La Chine, qui dispose de la flotte de pêche la plus importante du monde, transgresse les interdictions internationales en employant des Nord-Coréens dans toute la filière : ils sont non seulement présents sur les bateaux dont les prises alimentent les marchés du monde entier mais aussi dans les usines de transformation des produits de la mer, comme le précise RFI. Il y aurait ainsi jusqu’à 100 000 Nord-Coréens travaillant dans ces usines et leurs produits sont ensuite vendus à l’UE et aux Etats-Unis. Les pays importateurs se retrouvent donc à violer eux aussi les règles internationales. The Guardian cite l’injonction faite par le directeur de l’EJF dans le rapport : Steve Trent réclame que les pays fassent preuve d’une plus grande responsabilité collective pour assurer plus de transparence dans la chaîne d’approvisionnement et éviter ainsi l’importation de produits issus de l’esclavage moderne.
The Guardian rapporte les réactions des autorités chinoises après la publication du rapport : Lin Jian, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a tenu à affirmer qu’il n’était pas au courant des détails mais que toute la pêche chinoise se conformait aux lois et règlements internationaux. Il a ajouté que la coopération avec la Corée du Nord s’inscrivait dans le cadre du droit international.
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