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Billet de blog 4 avril 2025

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Algérophobie : mémoire et transmission en résistance

Le silence complice de l'État français sur les crimes coloniaux est intolérable. Nous exigeons la vérité, toute la vérité. Ce n'est qu'en confrontant notre passé que nous pourrons bâtir un avenir fondé sur la justice et la réconciliation. Le déni et l'oubli ne sont plus des options. Les générations futures ne doivent pas porter le poids de nos silences.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Notre colloque international sur l’autre 8 mai 1945 : les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata. Assemblée nationale

L'héritage de la colonisation algérienne s'est inscrit profondément dans les structures socio-économiques et culturelles des deux pays. Se souvenir de la colonisation, c'est avant tout reconnaître une part essentielle de notre histoire. C'est accepter de regarder en face un passé complexe et souvent douloureux, afin de mieux comprendre le présent et construire un avenir plus juste et équitable. Transmettre, c’est donner du sens à ce qui nous précède. Mais dans une France polarisée où l’identité se débat plus qu’elle ne se partage, l’héritage devient un enjeu parfois un fardeau. Aujourd’hui, ironie de l’histoire, ce ne sont plus les hommes que le néocolonialisme cherche à tuer, ce sont plutôt leur mémoire et leur histoire qu’on veut effacer, dénaturer à tout prix, pour donner bonne conscience au bourreau d’hier. La propagande, la désinformation et le mensonge ne peuvent retourner dans le temps pour changer les faits, le temps ne recule jamais. La transmission de la mémoire coloniale est intrinsèquement politique, car elle remet en question les récits nationaux établis et met en lumière les rapports de pouvoir inégaux. 

Le temps qui passe et le renouvellement des générations peuvent entraîner un effacement progressif de la mémoire. Il est donc nécessaire de maintenir une vigilance constante et de trouver de nouvelles formes de transmission. Les associations mémorielles jouent un rôle essentiel dans la préservation et la transmission de la mémoire. 

Depuis les quartiers, notre association Les Oranges portent haut les voix méconnues. Les voix des laissés-pour-compte, des discriminés, des damnés de la république, de ceux à qui les « héritiers » font sentir, parfois avec mépris, le plus souvent avec condescendance, leur extériorité à la Nation. Nos quartiers populaires sont dans une impasse : résultat d’années de désengagement de l’État en matière d’égalité, de justice sociale. Le gouvernement français refuse de s’attaquer aux causes réelles des difficultés, occultant l’ampleur du racisme systémique. On sait l’effroi et la sidération que nos histoires coloniales et postcoloniales ont engendré dans nos vies. Il en a fallu des stratégies de contournement pour parvenir à prendre sa place, à s’émanciper, à gagner en autonomie… Cette lutte est constante dans les quartiers, et il s’y trouve une énergie débordante qui ne demande qu’à s’exprimer. La France ne peut se dédouaner de ses engagements mortifères sur nos existences. 

Depuis 20 ans, nous œuvrons à transmettre la mémoire collective des quartiers populaires, en organisant des conférences, des débats, des ateliers d'écriture et de théâtre. Notre action a permis d'obtenir des reconnaissances symboliques importantes, comme le nommage d'un boulevard et d'une rue en reconnaissance de figures emblématiques. Le Boulevard 17 Octobre 1961, un groupe scolaire et une rue en hommage à Abdelmalek Sayad, le Socrate d’Algérie, un colloque sur Frantz Fanon en présence d’Alice Cherki. Nous avons été pionniers en organisant le premier rassemblement autour de l'autre 8 mai 45 en 2015 devant l’hôtel de ville de Paris, démontrant ainsi notre capacité à fédérer et à ouvrir de nouveaux espaces de dialogue. 

De cette dynamique est né le collectif qui nous réunit aujourd’hui, et ensemble, nous avons réussi à faire adopter une résolution historique au Conseil de Paris, avec le précieux soutien de Danielle Simonnet. Cette victoire a suscité un écho bien au-delà de Paris et inspiré de nombreux autres acteurs à travers la France.

Enracinée dans les quartiers, forte de notre expertise terrain, notre association forme de nombreux jeunes, leur donnant les clés pour s'épanouir et s'inscrire dans des parcours d'excellence. Nos ateliers d'écriture et de théâtre sont des espaces uniques où ils peuvent exprimer leur histoire personnelle et se connecter à une histoire universelle. Nos ateliers ont permis à des jeunes issus des quartiers populaires de s'approprier les outils de la création artistique et de donner une voix à ceux qui en sont souvent dépourvus. Ils ont ainsi pu développer leur confiance en eux, renforcer leur sentiment d'appartenance et devenir des acteurs de leur propre histoire. Les jeunes sont les gardiens de notre mémoire. En leur donnant les moyens de s'exprimer, nous leur permettons de devenir les acteurs du changement. Ils sont l'avenir de notre société. 

En nous appuyant sur le succès de notre création  “Le 17 Octobre 1961, Je me souviens”  qui a rencontré un vif succès lors de ses nombreuses représentations à travers la France, nous sommes ravis de vous présenter aujourd’hui notre nouvelle création “L’autre 8 Mai 1945, Je me souviens”

Pourquoi cette pièce ? Parce que l'histoire ne s'arrête pas aux manuels scolaires. Parce que chaque individu porte en lui une histoire, une mémoire qu'il est essentiel de partager. Parce que le théâtre est un formidable outil pour susciter l'émotion, la réflexion et le débat.

Étant profondément touchés par les histoires qui façonnent nos identités, nous avons choisi de porter à la scène un récit intime et universel, celui de Nasséra et de son grand-père en la replaçant dans le contexte d'un événement historique majeur.

Au-delà d'une histoire personnelle, cette pièce interroge la manière dont les événements historiques marquent collectivement et individuellement, et comment les cicatrices du passé peuvent se transmettre de génération en génération.

Cette pièce explore la relation intime entre une jeune étudiante, Nasséra, et son grand-père, un témoin privilégié de l'histoire tumultueuse de l'Algérie. À l'approche du 8 mai 2025, date anniversaire de la capitulation des Nazis, Nasséra est déterminée à recueillir le témoignage de son grand-père sur l’autre 8 mai 1945, un tournant tragique de l'histoire algérienne.

À travers des dialogues intenses et émouvants, Nasséra parvient à briser la carapace de son grand-père, le poussant à se confier sur les événements qui ont marqué sa jeunesse. Le récit s'articule alors autour des souvenirs du grand-père, qui nous plonge au cœur de l'Algérie coloniale et de son quotidien de travailleur en France.

De la révolte des Mokrani aux massacres de 1945, en passant par l'indigénat et la lutte pour l'indépendance, le spectateur assiste à un véritable voyage dans le temps. Le grand-père évoque avec une lucidité bouleversante les souffrances endurées par son peuple, les injustices subies, mais aussi les moments de solidarité et de résistance. Les luttes anticoloniales avec le PPA, les luttes des travailleurs immigrés.

Le récit met aussi en lumière le rôle crucial des femmes dans la lutte pour la libération de l'Algérie. Laldja, la mère du jeune scout Bouzid Sahal, premier à brandir le drapeau algérien interdit, assassiné lors des manifestations de 1945, incarne cette résistance féminine. À travers les lettres rédigées à son fils disparu, elle exprime sa douleur, sa colère, la lutte de tout un peuple fier et digne, mais aussi son espoir en une Algérie libre.

Nasséra, en véritable historienne familiale, motivée par un profond sentiment de justice, se sent investie d'une mission sacrée : celle de faire connaître au monde entier l'histoire de son grand-père, un témoin vivant des promesses non tenues de la République. Son combat ? Lutter contre l'oubli et révéler l'écart abyssal entre les idéaux républicains et la réalité vécue par des générations d'immigrés.

Elle aspire ainsi à rétablir la vérité historique, à rendre hommage à ces pionniers injustement oubliés et à rappeler les sacrifices qu'ils ont consentis pour un idéal qui leur a souvent été dénié.

Au-delà du contexte historique spécifique, cette pièce pose une question universelle : comment préserver sa dignité face à l'adversité et lutter pour une existence libre et juste ?


Une pièce de théâtre sur le 8 mai 1945 en Algérie peut être un formidable vecteur de transmission et de sensibilisation. En associant une approche pédagogique rigoureuse à la force du spectacle vivant, il est possible de toucher un large public et de susciter un débat constructif sur cette période méconnue de notre histoire. En tordant le cou au drame et en alternant rires et larmes, le théâtre nous invite à une réflexion profonde sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure. 

En nous accueillant à l'Assemblée nationale, vous nous donnez les moyens de construire une dynamique, de diffuser largement cette pièce et de toucher un public toujours plus large. Notre objectif est clair : transmettre une histoire méconnue, susciter le débat et encourager l'engagement citoyen. En nous rassemblant, nous construisons les fondations d'une nouvelle forme d’être ensemble, où la mémoire nous unit plutôt que de nous diviser. Tel est notre enjeu. Loin du pathos, nous œuvrons pour une émancipation collective.

Cette journée est le fruit d'un long travail de recherche et de mobilisation autour de la question de la reconnaissance des crimes coloniaux. Au nom de notre collectif, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à l'ensemble des historiens, dont Olivier Lecour Grandmaison, qui, par leurs travaux rigoureux et éclairants, ont largement contribué à enrichir notre compréhension du passé. Je voudrais également saluer l'engagement des militants et des acteurs culturels, tels que Mehdi Lallaoui, dont l'œuvre cinématographique majeure sur le 8 mai 1945 a suscité un débat essentiel. Enfin, je remercie vivement les élus, avec une mention spéciale pour Danielle Simonnet, qui rendent possible cet événement et favorisent des échanges fructueux. 

Aussi, nous appelons l'État à reconnaître officiellement les crimes coloniaux commis en Algérie et à mettre en place des mesures de réparation pour les victimes et leurs descendants. 

Le silence complice de l'État français sur les crimes coloniaux est intolérable. Nous exigeons la vérité, toute la vérité. Ce n'est qu'en confrontant notre passé que nous pourrons bâtir un avenir fondé sur la justice et la réconciliation. Le déni et l'oubli ne sont plus des options. Les générations futures ne doivent pas porter le poids de nos silences. 

Nasséra Zaïdi Vice présidente association Les Oranges Nanterre. Coordinatrice du Collectif National pour la Reconnaissance des Crimes  Coloniaux ( CNRCC)

Lien vidéo colloque assemblée nationale 8 Février 

https://www.youtube.com/live/EljucmOtsb8?si=ss--rtXcFXsFpUOg

Un nouveau colloque se tiendra à la salle des congrès de Nanterre le 3 Mai avec des invités prestigieux. Cette journée se clôturera par un dîner spectacle.

Lien pour inscription : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSfEHBmCkdO6rKv1ETR_j6laqj9R-HLun0N6QW8D5hGepmvnTA/viewform?usp=header

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